Le culte de Mithra et sa diffusion
Le culte de Mithra est connu dans le monde romain dès la seconde moitié du Ier siècle de notre ère. D'origine indo-européenne, 2 000 ans sépare le Mithra iranien, qui n'était pas si éloigné des ancêtres des dieux du panthéon grec et romain, des premières représentations du Mithra tauroctone. La difficulté vient du fait que l'on ne sait pas trop comment le dieu iranien est passé dans le monde grec, ni comment il s'est transformé dans son rituel pour devenir le pivot d'un dieu à mystères.
Dans la littérature védique, " Mithra est un dieu bienveillant, proche des hommes, un dieux lumineux et juste, qui donne la végétation luxuriante, la concorde et la santé " (R. Turcan), en sanscrit mitra signifie ami, amitié, comme le mihr persan.
Le Mithra iranien aurait également des prérogatives de la guerre, le Xe Yasht (hymne), texte datant du règne de Cyrus l'Ancien, soit le VIe s. av. J.C., l'invoque aussi comme un " dieu combattant ", et comme un " dieu solaire ".
Après une éclipse, Mithra réapparaît dans l'épigraphie des rois perses à dater d'Artaxerxès II Mnémôn (405-359 av. J.C.), il y était un dieu des armées en même temps qu'un dieu de la justice divine. Mithra a gardé de nombreux fidèles malgré l'effondrement de l'Empire perse dans les aristocraties iraniennes d'Asie Mineure, la dynastie parthe des Arsacides, l'inclut parfois dans les noms de ses rois, comme Mithridate Ier le Grand, ce nom signifiant " donné par Mithra ".
Plus près de notre période, des officiers de Mithridate ont encadré ces pirates ciliciens qui pour Franz Cumont auraient introduit les mystères de Mithra à la fin de la République.
Ce long cheminement a fortement marqué le culte de Mithra pour en faire ce qu'il est à l'époque de l'Empire romain, sachant cela, une série de questions s'imposent à nous : quels sont les grands traits du culte de Mithra ?, qu'est-ce qui fait de ce culte un culte un mystère réservé à des initiés ?, et quel a été son impact socio-politique mais aussi géographique ?.
Pour tenter de répondre à ces questions nous disposons d'un certain nombre de sources. Les sources littéraires directes sont quasi inexistantes, seule des auteurs, souvent chrétiens, comme Tertullien ou Jérôme (lettre 107) nous apportent des indications. Les sources épigraphiques sont plus nombreuses, on a retrouvé un nombre important de dédicaces, d'inscriptions concernant le culte de Mithra. Une autre source importante pour l'étude de ce culte nous est apportée par l'archéologie, de nombreux lieux de cultes ont en effet été retrouvés.
I- Les origines
A. Dieu originaire de Perse
La religion perse repose sur l'opposition entre le dieu du mal et le dieu du bien, Mithra est au service du dieu du bien. Il est né d'un rocher, Natalis invictus. Mithra est vu comme une divinité de la lumière, protecteur de la vérité, il est représenté sur un char tiré par quatre chevaux et parcourant les espaces du firmament. Son culte, dès l'origine, est soumis à un cérémonial religieux, qui se retrouve dans le cérémonial romain.
B. Hellénisation du culte et premiers contacts
Mithra est d'abord exclu du monde helléniquecar il est perse. Il faut attendre le rôle des mages helléniséspour voir fleurir ce culte dans des provinces orientales, en Arménie, en Commagène. Cette religion gagne l'Occident à l'époque des Flaviens
II- Les fondements du culte de Mithra
Les fondements du culte de Mithra sont au moins au nombre de trois, le premier est le lieu lui-même, particulier à cette religion, la liturgie est tout autant singulière, c'est sur l'iconographie que reposait l'essentiel de l'instruction des fidèles.
A. Le Mithraeum
Les Mithraea ne sont pas des temples, même si certaines inscriptions parle de templum. Ils sont tous conçus sur une même base architecturale. Dans tous les Mithraea, on trouve une sorte de pièce de réunion, de part et d'autre de celle-ci des banquettes ont été construites, elles sont suffisamment larges pour que les participants puissent s'y tenir allonger, accoudés sur le rebord, de la même façon que dans un triclinum. Le Mithraeum est donc une salle à manger pour des repas pris en commun. Les convives sont placés de telle façon qu'ils ont la tête tournée vers le fond de la salle, en direction de l'image de Mithra tauroctone, image peinte mais le plus souvent sculptée. Le Mithraeum est un lieu de communion entre les hommes et Mithra. Les Mithraea sont construits, quand la typologie le permet, dans des grottes (Epidaurum en Dalmatie ou Kreta en Bulgarie), ou en appuyant l'édifice à une paroi rocheuse (Bourg-Saint-Andéol dans l'Ardèche). Dans les cas, où le terrain ne se prête pas à ce type d'installation, le Mithraeum est construit de telle façon que le sol de la pièce soit en contrebas de la porte d'entrée (Londres), et afin de simuler la grotte, le plafond est stuqué en forme de voûte. Dans tous les cas l'implantation d'un nouveau Mithraeum suppose une source d'eau à proximité, ou pour le moins un puit, et à défaut une réserve d'eau, ce qui explique qu'à côté des braseros retrouvés dans les Mithraea, il y avait des vases à eau (mais aussi à vin). L'aménagement de cette pièce est complété par un ou plusieurs autels, le principal ou " maitre-autel " se trouvant devant l'image de Mithra tauroctone, ou la supportant (Saint-Clément à Rome). La décoration des Mithraea est très importante pour le culte. Le plafond est souvent peint à l'image du firmament. Certains sont percés de cavités, au nombre de sept, symbolisant les planètes (Saint-Clément à Rome). À côté du sanctuaire, les mithraea comportaient un certain nombre d'annexes, dont les fonctions ne sont pas précises. La taille des cryptes nous apportent des renseignements assez précis quand à l'importance des communautés, la plupart des cryptes ont des dimensions modestes, comme la " Casa di Diana " à Ostie (5 m) où celle de Sarrebourg (6,2 m), la plus grande étant celle du Mitraeum III de Carnuntum (Vienne) avec 23 m de long. Au total les groupes ne devaient guère dépassé en moyenne une vingtaine de personnes, qu'un lien très fort unissait.
Ce lieu de culte particulier reflète ce que Robert Turcan a appelé la " liturgie ordinaire ".
B. " La liturgie " ordinaire " "
Cette liturgie est constituée du repas pris par les mystes avec Mithra, prolongeant ainsi le repas qui avait scellé l'alliance entre le soleil et Mithra. Il était fait sur la base du sacrifice d'animaux : volatiles, chèvres, bovidés, sangliers, etc.. Lors de ces repas, le pain et l'eau étaient consacrés, cette précision nous est apportée par Justin le Martyr. Mais on buvait également du vin et on mangeait la viande des animaux sacrifiés. Les places des participants dans la crypte lors de ces repas correspondaient probablement à l'ordre des grades. Mais avant les repas, une sorte de catéchèse est faite, mettant en lumière tel ou tel moment de la geste divine (sacrifice du taureau à l'équinoxe de printemps).
Cette éducation se fait sur la base d'une riche iconographie mithriaque.
C. L'iconographie mithriaque au service du culte
Cette iconographie ne constitue pas un décor gratuit, mais bien une dogmatique illustrée qui légitimait la liturgie comme le souligne Robert Turcan. Chacun des éléments sert à "l'éducation" des mystes.
Si l'on s'intéresse par exemple à la représentation du Mithra tauroctone, qui se retrouve dans tous les mithraeum, même si il existe des différences de style, elles répondent à un certain nombre de constantes :
au centre, le dieu, habillé à la perse et portant le bonnet phrygien maintient le taureau au sol, il tient un couteau dans la main gauche qui est planté au " défaut de l'épaule ", parfois ce coutelas est tenu en l'air,
mais le plus symbolique pour les mystes, ce sont les représentations autour de ce groupe central, on trouve ainsi de part et d'autre, Cautés et Cautopatès, (des dadopores, porteurs de torches), le premier représente le soleil levant, le second le soleil couchant,
un corbeau perché sur un rocher, il représente le messager du soleil, prescripteur de l'immolation
par la présence du chien venu sucer le sang, le scorpion qui pince les testicules du taureau, les épis de blé qui s'épanouissent sur la queue du taureau, c'est tout le monde varié des vivants qui est associé à la tauroctonie. (sang et sperme sont symboles de vie, de force, de courage)
Bien souvent cette tauroctonie est entouré par un nombre important de scènes, peintes, évoquant les étapes d'une histoire du monde, ou encore de stèles dont certaines sont bifaces exposant aussi d'un côté la tauroctonie, de l'autre le repas sacramentel du Soleil et de Mithra.
Le décor du Mithraeum situé sous l'église S. Prisca de l'Aventin à Rome reflète les fastes des cérémonies célébrées, on y voit les mystes revêtus de leurs ornements liturgiques participer à une procession qui aboutit à la grotte abritant Mithra et Sol.
Parfois des scènes mystériques (d'initiation) sont représentées (Mithraeum de Capoue).
Le sol aussi sert de support, ainsi dans le mithraeum ostien de Felicissimus, les mosaïques du sol représentent les attributs et les symboles planétaires des sept grades de l'initiation.
Ainsi cette iconographie qui est stable dans son fondement se retrouve d'un mithraeum à un autre, l'adepte de Mithra retrouve ainsi partout selon Robert Turcan, la même " "bible" illustrée ".
Le culte de Mithra n'est pas ouvert au tout venant, il exige une initiation à la fois pour être un simple fidèle, mais aussi pour les desservants.
III- Les rituels initiatiques
A. La hiérarchie sacerdotale
Celle-ci nous est connue par le témoignage de Jérôme (Ep., 107,2) mais aussi par les peintures de S. Prisca ou par les mosaïques tapissant le sol du Mithraeum de Felicissimus d'Ostie.
Il y a sept grades d'initiation, le myste les prenait successivement, chacun ayant des signes vestimentaires particuliers et étant sous la protection d'une planète :
le premier est le grade de " Corbeau " (Corax) sous la protection de Mercure, il porte une tête d'animal
ensuite vient le " Fiancé " ou " jeune époux " (Nymphus), Vénus, ils portent un voile jaune de marié (le flammeum)
" Soldat " (Miles), Mars,
" Lion " (Leo), Jupiter, tête d'animal
" Perse " (Perses), la Lune, tunique blanchâtre bordée de bandes jaunes
" Courrier du Soleil " (Heliodromus), Soleil, tunique rouge ceinturée de jaune
" Père " (Pater), Saturne, tunique rouge à longues manches, manteau pourpre.
Cette structure est attestée à partir du second siècle, rien ne dit qu'elle était primitive, apparemment à l'origine il n'y avait que trois grades : Pères, Lions, Corbeaux.
Ces desservants ou gradés ont des attributs et des fonctions propres à chacun des grades.
B. Attributs et fonctions des gradés
Les modalités de consécration, ainsi que les fonctions exactes des gradés ne nous sont connues que par des sources parcellaires.
Le Corbeau servait les mets et la boisson, le gobelet étant son attribut, le caducée de Mercure faisant de lui un messager sans doute entre le Pater et les postulants à l'initiation.
Le titre de Nymphus supposerait un mariage entre le dieu et l'initié.
Le Soldat a pour attribut un javelot, un casque et un sac noué, Tertullien nous apprend qu'on marquait les Soldats au front, sacralisant ainsi leur appartenance à l'armée de Mithra, il est à noter que les soldats de l'Empire romain étaient marqués au bras. L'initiation du soldat toujours selon Tertullien passait par la présentation d'une couronne en interposant un glaive (symbole de la victoire sur le mal), on lui met celle-ci sur la tête, il devait la faire tomber sur l'épaule en disant que Mithra est sa couronne.
Dans le rituel d'initiation du postulant simple, c'est le Soldat qui devait couper les liens lui tenant les mains.
Les Lions sont caractérisés par la pelle à feu et le foudre jovien, ils avaient apparemment la responsabilité du feu sur les autels et sur les braseros, ils allumaient les grains d'encens, et c'est peut-être eux qui éprouvaient par le feu le candidat à l'initiation.
Le Perse, comme le Lion était purifié au miel, il est considéré comme le gardien des fruits, il présentait peut-être lors des repas, les fruits au convives. Ce titre de gardien des fruits est typique du souci majeur des mithriastes, qui est la préservation de la vie, la vigilance envers la vie.
L'Héliodromus a les attributs du soleil, il est censé tenir un rôle solaire.
Le père est signalé à Ostie par le bonnet phrygien brodé, la serpe de Saturne, la baguette et soit un anneau soit une coupe à libations, la baguette est l'insigne du magistère. Le Pater présidait l'office et l'instruction des fidèles, et durant le repas, il devait représenter Mithra. On ne sait rien du cérémonial d'ordination faisant de lui un chef spirituel. On trouve dans des inscriptions romaines le titre de Père des Pères, cela devait désigner une sorte de " métropolitain " ayant autorité sur d'autres Pères d'un même Mithraeum, ou sur plusieurs communautés.
Dans tous les cas, les membres de cette hiérarchie sacerdotale ne formaient pas un clergé comme les Galles ou les prêtres d'Isis, ils exerçaient une profession ou des fonctions civiles ou militaires, en dehors du service cultuel.
Les femmes n'étaient pas admises à participer aux liturgies, les gradés pouvaient se marier, mais selon Tertullien, le Pater ne pouvait le faire qu'une fois.
À côté de cette hiérarchie sacerdotale, qui détenait les responsabilités directes de l'office cultuel, de simples fidèles sont présents dans les Mithraea.
C. L'initiation des simples fidèles
Pour autant, pour être admis à la liturgie ordinaire, ils doivent être initié. Les fresques du Mithraeum de Capoue représentent cette induction, le candidat était interrogé, informé. Ensuite il doit subir une série d'épreuves. Le postulant était nu, les yeux bandés. Sur ces fresques de Capoue, on le voit marcher à tâtons, puis s'agenouiller devant, semble-t-il, un soldat. Il est ensuite éprouvé par le feu d'une torche place devant son visage. Ensuite on le voit les mains liées dans le dos, à genoux près d'un glaive, tandis que le pater tient une couronne au dessus de sa tête, etc.
Toute cette symbolique des épreuves appartient à l'initiation des sociétés secrètes en général. Dans le cas de l'initiation mithriaque, l'originalité provient du fait que l'on fait endurer au postulant, le feu et le froid. Il est à noter que dans certains Mithraea, on a cru trouver un dispositif ayant servi à un rite d'ensevelissement fictif. Ce qui est certain, c'est que les Mystères de Mithra comportaient pour les candidats un trépas fictif.
L'adoption des nouveaux mystes est couronnée par leur admission au repas commun. Après un serrement de main solennel avec le Pater, il devenait des syndexioi (littéralement " unis par la main droite ").
Ce culte à mystères n'est pas le seul dans l'Empire romain, tard venu par rapport aux autres cultes à mystères, il n'en a pas moins réussi à se diffuser.
IV- La diffusion géographique et sociale du culte de Mithra
A. Le culte de Mithra à Rome et en Italie
Les historiens sont partagés quant à la date d'apparition du culte de Mithra en Italie. Pour Franz Cumont les plus anciens mithriastes ont pu prendre pied à Rome à l'époque de Pompée, Robert Turcan, quant à lui estime qu'il n'existe pas de témoignages archéologiques ou littéraires confirmant la thèse de Franz Cumont. Le fait que Tiridate ait comparé Néron (37-68), qui le sacre roi, à Mithra peut vouloir dire simplement que pour ce roi arménien, ce dieu est le garant du pouvoir royal. La plus ancienne trace de Mithra à Rome, est une dédicace bilingue d'un affranchi impérial ayant servi sous les Flaviens (69-96). Mithra fait son entrée dans la littérature dans le chant I de la Thébaïde de Statius, écrite vers 80, où l'auteur évoque la tauroctonie, ce chant s'achève par le nom de Mithra : " Que tu prefères porter le nom vermeil de Titan, Suivant la tradition du peuple achéménide, Ou d'Osiris frugifère, ou de celui qui sous le roc de l'antre, Persique force les cornes du taureau récalcitrant : Mithra ! "
Pour ce qui est des représentations du Mithra tauroctone la plus ancienne connue est un groupe en marbre, consacré par Alcimus, esclave d'un préfet du prétoire ( T. Claudius Livianus) sous Trajan. Du IIe au IVe siècle, les Mithraea se multiplient à Rome, on en compte aujourd'hui à peu près 40. Pour M. J. Vermaseren, on peut en déduire qu'il existait un total d'une centaine de Mithraea. À Ostie, 17 sont identifiés, le plus ancien datant du règne d'Antonin le Pieux (138-161) (vers150-160). En dehors du Latium, la Campanie et la Cisalpine sont des secteurs importants de pénétration. Celle-ci s'est aussi faite par les ports, outre Ostie, Antium sur la mer Tyrrhénienne, Aquilée sur l'Adriatique. La Sicile a également été touchée par cette expansion (Palerme notamment).
B. Le culte de Mithra dans le reste de l'Empire
Dans le reste de l'Empire, la diffusion du culte de Mithra se fait surtout dans les provinces de l'Est de l'Empire : Rétie, Norique (Virunum, Autriche), Germanie à Böckingen sous Antonin le Pieux (vers 150) et à la même époque en Pannonie. Plus tard, des sanctuaires ont été créés de part et d'autre du Rhin. Il y a également quelques implantations en Bretagne (Londres), en Gaule de l'Est à l'exception de Bordeaux et d'Eauze, Gaule où le culte de Mithra s'est greffé parfois sur des cultes de source (Vieu, Sarrebourg), mai aussi en Afrique. Au total, les points forts du culte dans le reste de l'Empire sont constitués par les ports, les axes stratégiques et économiques, les frontières occupées militairement.
C. L'impact social et politique
L'aspect social de la diffusion du culte de Mithra révèle une grande hétérogénéité,
on retrouve des fidèles en grands nombres chez les militaires qui ont les premiers exporté ce culte persique en Europe, ils ont aussi contribué à sa diffusion dans les province occidentales, Mithra recrute parmi toute la hiérarchie militaire, du simple soldat, au légat en passant par les centurions
mais aussi chez les fonctionnaires
chez les humbles et affranchis
dans les milieux municipaux
dans les milieux d'affaires à Rome ou à Ostie
Dans la seconde moitié du IIe siècle, le culte de Mithra a atteint les sommets de la hiérarchie militaire, sous Commode, un chevalier connu comme prêtre de la Domus Augusta est aussi Pater. Pour autant, le culte de Mithra n'a pas diffusé dans les populations rurales.
En ce qui concerne les relations des empereurs avec le culte de Mithra, on sait que Commode (180-192) a été initier aux mystère, pour ce qui est de Néron (37-68), Robert Turcan estime qu'il est très difficile de se faire une opinion. Septime Sévère (193-211) ne semble pas l'avoir ignoré, une inscription nous fait connaître un personnage chargé du culte persique dans l'entourage de l'empereur. La première affirmation officielle, claire et nette de l'appui impérial date du début du IVe siècle, lorsque Dioclétien, Galère et Licinius ont restauré un Mithraeum en qualifiant le dieu de fautor imperii sui (" protecteur de leur pouvoir ").
La règne de Constantin, le premier empereur chrétien, est marquée en 324 par l'interdiction du sacrifice aux idoles et de la célébration des rites mystèriques, cette interdiction n'a guère été suivie. Au total, à part sous Commode, Mithra ne semble pas avoir eu les faveurs impériales.
Conclusion :
Le culte de Mithra a eu tout au long des IIe et IIIe siècle, trois atouts de poids. La Pax Romana, en multipliant les déplacements de fonctionnaires et de militaires, a permis sa diffusion dans l'Empire, faire partie d'un petit groupe d'initiés comblaient les carences de la société humaine civile et profane, enfin et surtout, le culte de Mithra permettait à ses fidèles d'avoir une explication de l'homme et de l'univers.
Pour autant, pour Robert Turcan, " le culte de Mithra qui semble prêt à dominer le monde au début du IVe siècle, est en fait déjà condamné ". Il regroupait contre lui un certain nombre de faits difficilement surmontable, il est fermé aux femmes, ce n'est pas une religion de masse, loin s'en faut, il a gardé la marque persique alors même que la Perse reste un ennemi héréditaire.
Les successeurs de Constantin vont réitérer en 341, l'interdiction faite en 324, estimant que les immolations sanglantes renforcent le pouvoir des " démons ". Le culte de Mithra va décliner, il survivra dans l'Urbs jusqu'en 394, avec un sursaut sous le règne de Julien dit l'Apostat (361-363). Il a en fait beaucoup souffert de discrédit, les chrétiens n'hésitent pas à mettre bas un certain nombre de Mithraea, ces mêmes chrétiens imputaient au culte de Mithra des sacrifices humains, profitant en cela de la découverte d'ossements humains et de crânes dans certain Mithraea.
Perdu en Occident, Mithra n'en gardera pas moins des fidèles en Iran. Mithra sous le nom de Mihr est devenu le dieu du Soleil dans la religion sassanide.
BIBLIOGRAPHIE :
Source :
Tertullien, Apologétiques, trad J.P. Waltzing, Paris, Les Belles Lettres, C.U.F., 1929.
Tertullien, Traité de la prescription contre les hérétiques, Paris, Ed. du Cerf, S.C. 46, 1957.
Outils de travail :
Howatson, M. C., Dictionnaire de l'Antiquité, Paris, Ed. R. Laffont, 1993.
Lenoir, F. ,Tardan-Masquelier, Y., Encyclopédie des religions, Paris, Ed. Bayard, 1997.
Ouvrages généraux sur les religions dans l'empire romain :
Beard, M., North, J., Price, S., Religions of Rome, Tome 2 A Sourcebook, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
Champeaux, J., La religion romaine, Paris, Le Livre de Poche, 1998.
Ouvrages spécialisés :
Burkert, W., Les cultes à mystères dans l'Antiquité, Paris, Les Belles Lettres, 1992.
Cumont, F., Les mystères de Mithra, Bruxelles, 1913, réimp. Ed. d'Aujourd'hui, 1985.
Turcan, R., Les cultes orientaux dans le monde romain, Paris, Les Belles Lettres, 1989.
Turcan, R., Mithra et le mithriacisme, Paris, Les Belles Lettres, 1993.