5. Décadence et survivance des jeux et des sports romains
Après la conversion de l'Empire romain au christianisme, les édifices du spectacle ont connu une décadence. Si l'influence chrétienne doit être souligné dans ce déclin des jeux et des compétitions antiques, elle a souvent été exagérée.
5.1. Les jeux romains ont-ils vraiment disparu avec l'empire romain ?
On ne peut nier les critiques des auteurs chrétiens à l'égard des spectacula et les mesures des empereurs chrétiens. Le cirque, notamment, représentait le corps, donc l'exaltation de valeurs strictement terrestres que cautionnaient les anciens dieux. La tactique des chrétiens consista non pas à nier l'existence des dieux antiques, mais à leur donner un caractère maléfique : Les édifices de spectacle devenaient ainsi des lieux maudits. De même la législation visait moins à interdire les jeux qu'à les vider de leur contenu religieux : ainsi le code Théodosien, en 425, en interdisant les spectacles le dimanche et les jours de fêtes religieuses, exclut les jeux du temps sacré.
Les auteurs chrétiens et les jeux
Les adversaires les plus virulents parmi les auteurs chrétiens écrivent de la fin du IIeà la fin du IIIesiècles de notre ère, tels Tertullien, Lactance, Clément d'Alexandrie.
On remarque une certaine constance dans les arguments présentés et, curieusement, un désintéressement progressif des Pères (théologiens) vis-à-vis des spectacula. Enfin notons que la plupart des critiques des chrétiens avaient déjà été formulées par les auteurs païens (Varron, Suétone, Cicéron, Sénèque).
Les chrétiens ont condamné les spectacula pour plusieurs raisons :
L'idolâtrie des jeux, car l'origine des jeux était liée à un culte rendu à des dieux ou des héros : aller aux spectacles de l'arène était donc une manière d'adorer ces dieux.
Les caractères propres aux jeux : la violence, le sang versé et, qui de plus est, à la grande volupté des spectateurs. Les réactions les plus vives sont dirigées contre les spectacles sanglants des gladiateurs et, dans une moindre mesure, les chasses de l'arène et les courses qui suscitent de folles passions au cirque. Les combats de gladiateurs étaient aux yeux des Pères un «homicide public» (Lactance).
Pour ces deux motifs, ces spectacles étaient incompatibles avec la foi et la morale chrétienne.
Certains auteurs parlent en connaissance de cause. Augustin en effet aimait les jeux dès son plus jeune âge; il a assisté aussi à des munera dans l'amphithéâtre, à des courses de lièvres dans la campagne carthaginoise et à des combats de coqs. Mais c'est incontestablement le théâtre qui l'avait le plus fasciné.
Toutefois les textes bibliques et des Pères ont utilisé le stade et l'amphithéâtre comme les lieux de la lutte chrétienne face au mal. Dans le martyre, le chrétien est, comme dans l'arène, l'athlète du Christ face à Satan, comparé à un gladiateur (Tertullien, De anima, 57) et les spectateurs de cette lutte sont les démons et les anges.
Mais, vidés de leur contenu païen, les jeux conservaient leur dimension politique et par la même revêtaient un contenu chrétien puisque l'empereur était alors considéré comme le lieutenant terrestre de Dieu : l'organisation des jeux fut repris par les empereurs byzantins comme une marque d'évergétisme et ils continuèrent jusqu'au XIIIièmesiècle (chute de Constantinople) les compétitions hippiques. Même les ecclésiastiques succombaient à l'engouement des courses : on raconte qu'au Xièmesiècle, un d'eux, Théophylacte Lécapène n'hésita pas à laisser en plan sa messe pour assister à la naissance d'un poulain !
En Occident, la Gaule s'adonnait aux jeux romains et l'évêque Sidoine Apollinaire précise au Vièmesiècle que «les Hérules triomphent à la course, les Huns au lancer du javelot et les Francs à la nage». Tandis que les Écossais et les Irlandais pratiquaient encore un athlétisme semblable à celui des Anciens depuis le XIXièmesiècle avant J.-C.
Le christianisme n'a pas eu l'influence qu'on lui a prêté. On peut en outre douter de l'efficacité de la pression que les évêques pouvaient exercer sur la société civile et l'on remarque même que dans le monde byzantin, très tôt christianisé, les jeux ont continué des siècles.
S'il n'y a jamais eu disparition des concours sportifs, qui ont subsisté dans l'Empire pendant des siècles, suscitant même l'intérêt passionné des chrétiens, les édifices du spectacle, et en premier lieu l'amphithéâtre, connaissent un déclin réel.
5.2. La fin des amphithéâtres
Les amphithéâtres, plus que les théâtres encore, ont durement subi les changements de l'Antiquité tardive. Comme tous les monuments publics ils ont souffert des crises financières et édilitaires et de la disparition du patronage dans les provinces. Les spectacles se raréfient car les gladiateurs et les bêtes sauvages deviennent trop onéreux à entraîner ou à acheminer d'Afrique.
Dès le IVièmesiècle les mentions de travaux au profit des édifices de spectacle se raréfient même si des jeux sont encore organisés. On embellit les églises au détriment des édifices du spectacle. Au Vièmesiècle la plupart des amphithéâtres ne sont plus utilisés régulièrement.
Mais, si les amphithéâtres ne sont plus le lieu des munera et des venationes, ils seront souvent réutilisés au Moyen Âge, devenant même des places fortes, comme ce fut le cas à Arles.