Glanum - 2 - Une ville en expansion

2 Glanum une ville en expansion.


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On a pu, grâce aux fouilles, retracer l'histoire de Glanum car les vestiges ont fourni des renseignements sur l'évolution du peuplement, le développement urbain important et relativement rapide, et les échanges commerciaux fructueux qui ont permis sa prospérité.

2.1 Le peuplement de Glanum

Devant la pauvreté des sources il a fallu se tourner vers l'archéologie pour reconstruire l'histoire du site et exploiter l'abondante documentation fournie par le sol de Glanum .

Grâce à des édifices bien conservés et à leur implantation, aux vestiges de toutes sortes (tessons, sculptures et surtout des textes gravés sur pierre, des graffitis sur les enduits muraux ou sur céramique, des trouvailles de vases, de monnaies, de petits objets etc...) constituant un trésor documentaire nous pouvons préciser le schéma historique et découvrir le peuplement, les cultes et la civilisation de Glanum antique.

2.1.2 Différentes cultures

Comme je l'ai déjà précisé, quelques traces d'occupation remontent au début du premier millénaire av. JC mais c'est après le VI° s. av. JC que s'établit près de la source un sanctuaire consacré aux Mères et à Glan, divinités indigènes, autour duquel se constitue une petite agglomération, capitale des Glaniques. Ce peuple apparaît comme un rameau d'un peuplement celto-ligure, les Saliens (c'est Ptolémée qui au II° s. ap. JC la cite parmi les villes des Saliens).

L'habitat, les installations publiques, civiles ou culturelles se sont développés surtout aux deux derniers siècles av. JC, lorsque les Glaniques, gardant leur indépendance, frappent monnaie, ce qui signale une communauté souveraine. Les Glaniques adhèrent alors à la confédération salienne dont le centre est à Entremont, mais ils vivent sous l'influence de la Marseille grecque jusqu'au II° s. av. JC. Il y a donc eu hellénisation au contact de Marseille. Les Glaniques disposent d'un rempart, d'édifices publics de pierre de taille, de demeures luxueuses de type méditerranéen. Alors qu'Entremont est abattue définitivement en 123 av. JC par les romains, Glanum prospère.

A la fin du II° s. et au début du I° s. av. JC Glanum fut partiellement détruite mais il y a eu reconstruction de la ville gallo grecque (autour d'habitations richement décorées et de lieux publiques).

Lors de la deuxième moitié du I° s. av. JC arrivent la domination romaine, l'entente avec les romains de Narbonnaise et une nouvelle construction. Après 49 av. JC, avec la prise de Marseille par César, les terres glaniques fertiles sont saisies par droit de conquête, jalonnées par les géomètres et attribuées à la colonie nouvelle et aux légionnaires vétérans. Ceci est déduit de l'étude des "cadastres" d'Orange, carte légendée, gravée sur marbre sous Vespasien mais dont le carroyage figuré est ancien.

Glanum devient alors une petite agglomération gallo-romaine et son statut est alors celui d'"oppidum latinum": les Glaniques se gèrent eux mêmes et ont le "droit latin" (certains peuvent accéder à la citoyenneté romaine). Ils sont nommés "glanici". Il n'y a point d'apport italique dans la population. C'est dans la deuxième moitié du I° s. av. JC que Glanum sera à l'apogée de sa prospérité et manifestera par la construction du Mausolée la richesse et l'"intégration" réussie des élites.

Le pouvoir romain (Auguste, Aggripa) les dote d'un équipement urbain de prestige: temples, forum, thermes. Aux I° et II° s. ap. JC une certaine prospérité subsiste mais sans progrès net (Glanum n'est qu'un centre secondaire).

La ville sera détruite et abandonnée durant le III° s. avec les invasions germaniques. Mais la voie du sud reste ouverte : la présence sur la chaussée exhaussée dans le ravin d'une borne militaire au nom de Constantin l'atteste.

La ville sera progressivement démantelée durant l'Antiquité tardive, ses ruines servant alors de carrières.

On peut déduire avec certitude de ce bref historique la présence successive de grecs, ligures celtes et romains, et même d'après des fouilles très récentes, celle d'autres cultures avant les grecs et les romains. C'est ce qu'a pu nous apprendre la découverte d'une série de six remparts dans la zone sud du site. Glanum a donc au moins cinq siècles d'existence.

2.1.2 La religion

On découvre donc à Glanum un milieu indigène cultivé, ouvert au II° s. av. JC aux influences hellénistiques, puis romanisé à partir de l'époque augustéenne. La religion est à l'origine gauloise et ce fond subsiste même lorsque les dieux du panthéon méditérranéen sont introduits. On remarquera surtout la dévotion liée aux sources : l'une dans le ravin, l'autre plus bas (sous le forum), semblablement aménagées avec une descente jusqu'à l'eau sacrée, aux vertus curatives. Une dédicace aux Mères Glaniques en haut, un temple, en bas, en attestent l'importance. Alors que près de là des images tirées du fond gréco-romain apparaissent sur les chapiteaux des colonnes de la cour dallée.


Fontaine guerisseuse du vallon des Alpilles (1).jpg
Fontaine guerisseuse du vallon des Alpilles (1).jpg

Quant aux moeurs, l'exposition des têtes coupées est attestée à Glanum. La coutume celte d'afficher et de conserver, embaumées les têtes des ennemis abattus est évoquée par Strabon et par Diodore, dont la source d'information était Posidonios de Rhodes (philosophe, historien). Cette pratique choqua le grec mais elle se perpétue et s'explique dans la tradition celtique. A Glanum ont été rencontrés des crânes perforés par l'enclouage, des fragments de piliers chanfreinés creusés d'alvéoles en amande, et surtout un linteau dans lequel, aux extrémités, ont été pratiquées des alvéoles destinées à accueillir des têtes. Des broches de fer qui les retenaient subsistent encore l'extrémité fichée dans la pierre, au centre d'un tenon en saillie, qui devait enfoncer l'os occipital.


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Alveoles destinees a recevoir les cranes.jpg

Les cultes officiels de Rome furent établis peu de temps après que se soit installée l'emprise politique romaine : les deux temples près du forum, avec les statues d'un groupe dynastique, ont été construits pour leur service. Les mythes cosmiques gréco-romains sont représentés sur la frise du "quadrifons" du mausolée.


Detail des quatres faces de la frise du quadrifons Mausolee.jpg
Detail des quatres faces de la frise du quadrifons Mausolee.jpg

Mais les cultes locaux gaulois persistent : les Mères sont honorées encore avec le dieu Glan. On vénère Epona, déesse des chevaux et des cavaliers. Valetudo, déesse romaine de la santé, coexiste avec les Mères (également appelées Junones) mais en dépit des figurations nouvelles les glaniques gardent leurs vieilles croyances : Sucellus qui devient Sylvain, reste l'original dieu au maillet. Hercule, près de la source du haut, ne voit fleurir son culte que parce qu'il évoque un héros ancien, Mercure doit son succès à ce qu'il est l'interprétation romaine d'un grand dieu gaulois. Seul le culte de Cybèle, la Grande Mère, d'Atys et la procession printanière du pin concurrencent vraiment cette religion populaire qui est celle de la vieille culture glanique.


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Dieu au maillet.jpg

2.1.3 Une longue succession de peuplements

C'est la perspective que laissent apparaître les fouilles ayant eu lieu depuis 1989. Ces fouilles concernent la zone sud et plus exactement le passage à chicane devant la source et le temple d'Agrippa.

Ces fouilles, qui sont encore en cours à l'heure actuelle, se sont notamment orientées sur la zone du rempart. Dans un premier temps les travaux visaient à un aménagement touristique de ce rempart. Mais ils débouchèrent sur une découverte archéologique très importante.

Les premières fouilles mirent à jour une stèle à cupule rare, puisque remontant à l'époque proto-historique. Cependant sa présence juste au dessous du dallage de la rue posait problème car ces stèles ne se trouvent généralement que dans des remparts plus anciens, insérées dans une zone de protection. Elles étaient en effet protégées contre l'ennemi mais aussi contre les mauvais esprits. Elles délimitaient et protégeaient un espace sacré, mais leur signification religieuse n'est pas entièrement connue. Par la suite se sont trois stèles à cavaliers du type Mondégo qui furent découvertes. Se sont de grandes stèles de type celtique, mais d'époque pré-celtique avec des cavaliers à peine stylisés, taillés au galet. Elles seraient datées de 1000 ans environ av. JC.

De plus les fouilles ont montré que le rempart grec n'était pas seul mais qu'il existait une succession de remparts d'époques différentes. En partant de la source, c'est à dire du sud, et en se dirigeant vers le nord on y trouve :

le rempart indigène (I) qui n'a pas pu être daté. Il est constitué de pierres formant une sorte de tumulus très peu soigné, une sorte de promontoire délimitant un espace.

le deuxième rempart (II). D'une hauteur de 2,20 mètres, il est intéressant dans la mesure où il insère le premier rempart dans sa construction. On trouve ici un début d'architecture : les pierres sont bien disposées, celles d'angles pas très bien taillées mais bien placées et calées à l'aide de petites pierres.

le troisième rempart (III). Il peut être situé à l'époque pré-celte. Dessous, c'est à dire à l'extérieur du rempart II, a été découvert le squelette d'une femme couchée sur le côté et dont les membres inférieurs étaient sectionnés par le rempart III. Cette femme portait des bracelets et un collier de bronze ainsi qu'une patère d'argile avec une sorte d'écriture. Il est donc intéressant de remarquer qu'il y a eu en dehors du rempart, à l'époque pré-celte, une population sédentaire. Ce rempart est constitué de pierres bien taillées : on commence à avoir une belle construction.

le quatrième rempart (IV). Il comporte deux tours : une sur le levant, très forte, bien défendue, carrée et une autre au couchant. Elles devaient être très hautes et espacées d'environ 20 mètres laissant ainsi aux défenseurs une portée de flèche extraordinaire.

le cinquième rempart (V). Il est la source d'une grande interrogation. Certains le disent carthaginois comme à Saint Blaise. Des preuves que de la présence des carthaginois entre les celtes et les grecs ont été découvertes : il s'agit de pierres portant des inscriptions carthaginoises. Le lien de Glanum avec Saint Blaise étant très fort on peut avancer l'hypothèse de cette occupation punique, mais à ce jour on ne peut pas la confirmer. Par contre les remparts de Glanum se sont ajoutés les uns aux autres tandis qu'à Saint Blaise la démarche fut différente : il y a eu remblayage chaque fois. On peut donc voir les strates du bas vers le haut à l'inverse de Glanum où elles sont visibles du sud vers le nord.

le sixième rempart (VI). Il s'agit d'un rempart grec qui ne vient qu'en "placage"; ce n'est plus un rempart de défense mais plutôt une enceinte séparant le quotidien du divin, le sacré du profane. Toutefois les dernières fouilles ont révélé que le rempart V avait également une tour qui suivait le thalweg, était de forme trapézoïdale et était en diagonale du sud-est au nord-ouest. Mais les grecs n'ont pas utilisé les mêmes fondations : ils ont décalé leur rempart par rapport aux précédents.

les romains quant à eux se sont contentés de rajouter un arc boutant (un arc et une sorte de contrefort) car le temple de Valetudo avait été trop remblayé : il fallait donc éviter une déformation du mur. Ceci explique la présence de cubes de pierre à la base du temple de Valetudo.


Vue transversale des remparts est.jpg
Vue transversale des remparts est.jpg

L'ensemble de ces remparts définissait une plateforme de plus en plus large nous faisant entrevoir l'existence, à ces différentes époques, de machines de guerre de plus en plus lourdes et grandes. Il fallait en effet défendre ces larges remparts.

Chacun de ces grands remparts devait correspondre à un espace, à une occupation et à une gestion différente de cet espace. Auparavant on pensait que le sud de Glanum était seulement un lieu de culte, désormais existe la preuve que des gens y ont vécu.

Glanum a connu au cour des âges, des influences et dominations de toutes sortes et une expansion urbaine considérable.

2.2 Glanum à travers son développement urbain (agrandissement au sol)


Vue prise du sud-ouest, du centre restitue de Glanum.jpg
Vue prise du sud-ouest, du centre restitue de Glanum.jpg

Le site se divise en trois zones principales, chacune se développant à un rythme différant suivant les époques.

2.2.1 Le ravin des Alpilles (Sud)

On a ici un "passage fortifié", c'est à dire une voie unique, desservant le ravin des Alpilles (avec en dessous un large égout descendant vers le nord). Ce défilé était défendu à son débouché par un mur de barrage (une fortification en grands blocs appareillés) reposant sur l'assise débordante d'une fondation qui affleure le niveau du sol hellénistique et s'appuyant à l'est et à l'ouest sur les contreforts rocheux de la montagne. Il était surmonté d'un crénelage (on a retrouvé au pied de la muraille des merlons à sommet arrondi) et des gargouilles qui évacuaient les eaux de ruissellement des chemins de ronde.


Appareil romain du rempart.jpg
Appareil romain du rempart.jpg

Il barre l'accés du défilé là où s'étagent les terrasses d'un sanctuaire indigène primitif daté du VI° au V° s. av. JC. Le segment est de la fortification était en retrait par rapport à celui de l'ouest si bien qu'au point de pénétration de la voie, là où était établi une porte à deux vantaux, une tourelle latérale était dressée dominant une poterne donnant accès à un couloir en chicane. Cette porte était doublée d'un passage pour les piétons.


Plan de la porte charretiere separant le vallon sud du centr.jpg
Plan de la porte charretiere separant le vallon sud du centr.jpg

Plus au sud une deuxième porte obturait le passage encaissé de la voie : sa vocation définitive était de barrer le chemin à des personnes venant du nord. De même on bloquait, pour les charrois, la route normale au sud.

C'est au même endroit en sous-sol que passait "l'égout principal" (il part du quartier bas des thermes, passe le long du mur ouest de la Cour à Portique, devant les temples géminés, longe la salle d'Assemblée (XXIX) et le monument corinthien (XXXIV) et vient butter contre le rempart). On s'est interrogé sur l'origine romaine ou grecque de cet aménagement. On a dégagé au pied du rempart l'orifice d'un grand égout datant d'avant les aménagements romains. La réfection romaine, elle, date de la transformation du quartier bas à l'époque Augustéenne.

Au delà de la deuxième porte en direction du sud nous arrivons à la "voie sacrée" appellée ainsi en raison des édifices religieux qui la bordent. Contre le mur du rempart ont été recueillis des tessons de céramique campanienne, une épingle en bronze, dans le passage central : une stèle celtique provenant certainement du sanctuaire voisin.

Entre les deux portes la fouille a attaqué un terrain où se trouvaient en désordre de nombreux blocs brisés ou encore entiers et que l'on a situé à la dernière phase romaine. Mais 30 cm plus bas une dalle en place indique une période plus ancienne.

Le mur ouest n'est pas homogène et montre un écart chronologique. Il offre d'abord les caractéristiques techniques du rempart (contemporanéïté) puis à l' endroit où la construction s'infléchit légèrement vers la droite l'appareil change totalement (les assises sont moins épaisses, le ravallement ne laisse voir aucune trace d'outil). Ce dispositif semble plus ancien.

A droite de la rue près de la deuxième porte se trouve un escalier. Au départ des marches, dans le mur de soutènement bordant la rue, est aménagée une niche cultuelle contenant autrefois des statues féminines (l'une fragmentaire retrouvée en place est conservée au musée de Sade). Ces deux divinités honorées dans la niche appartenaient au culte local.

Au dessous de la niche se trouvent :

une dédicace en caractères grecs (aux mères glaniques: témoignage de la vénération dont étaient encore l'objet au milieu du I° s. ap. JC les divinités celtiques de Glanum) mais d'une période plus récente que les statues.

une formule de consécration en celte (transcrite en alphabet grec) conservée au musée.

Sur place, au pied de la niche, sur un autel, figurait une inscription latine, dédicace aux glaniques, à leurs déesses mères et protectrices et au dieu Glan ou Glanis. L'intérêt primordial de cette inscription est de révèler l'existence d'un dieu Glan et de compagnes Glanicae. A ces divinités est associé Fortuna Redux (association faite au milieu du I° s. par un vétéran des armées romaines, M. Licinius Verecundus, apparemment d'origine glanique).


Autel offert par un veteran des armees romaines.jpg
Autel offert par un veteran des armees romaines.jpg

De l'autre côté de la voie: un couloir dallé puis un escalier à trois volées aux degrés de pierre très usés conduisaient au bassin profond d'une source (dont la présence explique l'existence des cultes anciens). Il s'agit du "Nymphée". C'est à dire un bassin trapézoïdal ayant de l'eau en toute saison. Il est cantonné par des murs de blocs de calcaire en grand appareil préromain. Il subsiste un arc en pierre de taille sur pilliers engagés supportant la couverture et maintenant les parois. C'est une galerie de captage (explorée) qui drainait l'eau jusque dans ce réservoir profond creusé dans le roc et où puisaient les fidèles.

C'est l'une des plus importante découverte faite depuis le début des fouilles : elle fait connaître l'origine même de la ville. Primitivement simple agglomération proto-historique groupée autour d'un point d'eau qui bientôt, doué de toutes les qualités surnaturelles que la superstition attribue aux sources, devient la fontaine sacrée, réputée guerrisseuse, autour de laquelle la vénération populaire crée un sanctuaire. Celui ci s'affirme d'abord sous la forme d'un "Temenos" indigène, puis est aménagé et enfermé dans les murs du rempart hellénistique pour enfin déborder ces limites et s'étendre bien au delà et annexer à son périmètre primitif dés l'époque préromaine de nombreux édifices.


Autels votifs dedies a Hercule et socle de la statue du dieu.jpg
Autels votifs dedies a Hercule et socle de la statue du dieu.jpg

Très sobre dans son état primitif, le Nymphée devait être plus tard restauré et dominé par une construction richement décorée : le temple de Valetudo (Déesse de la santé) ou d'Agrippa. Cette construction fut édifiée en 20 av. JC par Agrippa (gendre et ministre d'Auguste).


Temple d'Hercule - de l'ouest vers l'est.jpg
Temple d'Hercule - de l'ouest vers l'est.jpg

Des chapiteaux corinthiens, des fûts et bases de colonnes, des éléments de pilastres furent retrouvés ainsi qu'une dédicace gravée sur de grands blocs visibles à gauche de la voie. Il en reste deux éléments mais cela n'empèche pas une restitution. Elle est confirmée par une autre dédicace provenant du même temple. La première inscription daterait le temple vers 20-19 av JC. Mais attention, il est difficile de préciser l'endroit d'établissement exacte de la fondation du temple d'Agrippa (source ou à proximité de la source?). Deux pierres retrouvées dans les décombres de la Cella proviennent de l'intérieur du temple : la première est un autel avec un couronnement portant une dédicace mentionnant le nom de Valetudo, la deuxième est la partie inférieure d'une statue féminine (peut-être Valetudo). La situation du temple d'Agrippa est élevée, ses dimensions réduites et son implantation est faite le long de la voie sacrée. Son plan est celui des temples prostyles et sa façade principale regarde au sud vers la source. L'édifice reposait sur un podium constitué par un ancien mur de grand appareil appartenant à l'aménagement hellénistique du Nymphée.

A droite du couloir conduisant à la source : une salle a été aménagée en sanctuaire d'Hercule à l'époque romaine. Sa construction est faite en appareil mixte, moellons et blocs, et on y rencontre des éléments de remploi qui la dateraient du cours du I° s. av. JC. Il consiste en deux salles accollées communiquantes entre elles. La première comportant en son milieu une salle de pierre dont le centre est occupé par un disque ayant supporté une colonne. Dans le mur sud de la salle s'ouvrait une porte donnant accès à une autre salle.


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La fouille a fournie différents objets mais surtout une statue du dieu, sa base inscrite et six autels votifs, en pierre (retrouvés en place autour de la statue), dédiés à Hercule avec sept inscriptions dédicatoires (plus précisément ces six autels se situent en bordure de la ruelle menant au Nymphée, face à l'escalier montant au sanctuaire indigène). La plus importante est le texte gravé sur la base de la statue qui rappelle qu'elle a été offerte à Hercule Victor par Cneus Pompeius Licinius Macer et des officiers et soldats originaires de Glanum ayant servis dans l'armée romaine. De plus ce groupement d'autels autour de la statue d'Hercule victorieux pourrait faire penser à une représentation guerrière, or ceci est contredit par l'inscription du socle exprimant le souhait de leur retour et priant pour la conservation de leur santé : Hercule est un guérisseur et un protecteur des sources.


Vue d'ensemble sur les temples a l'est du vallon sacre.jpg
Vue d'ensemble sur les temples a l'est du vallon sacre.jpg

Face à la source et au sanctuaire d'Hercule (de l'autre côté de la voie) : un escalier monte vers des terrasses successives (occupation du VI° s. av. JC).

Plus haut sur la rue à droite : un bâtiment à deux chambres en grand appareil ancien avec canalisation de terre cuite fût aménagé pour des bassins chauds.

De part et d'autre de la rue se trouvent des salles et cellules sans destination particulière.

Mais au sud, si la densité des monuments est importante, l'endroit, trop exigu, ne se prêtait guère à des réalisations de grande ampleur. Par conséquent la communauté glanique choisit de bâtir son centre monumental plus au nord où il y avait l'espace nécessaire.

2.2.2 La partie centrale du site : le centre monumental gallo grec

Il y eut d'abord un temple (XVIIa), dans le courrant du II° s. av. JC, tourné vers le sanctuaire du ravin. Son plan au sol assez mal conservé, peut pourtant être restitué sans problème; mais surtout de nombreux éléments de son élévation, retrouvés par H. Rolland, permettent de s'en faire une idée assez précise. On connaît mal les édifices qui séparaient ce petit temple toscan du sanctuaire de la source; des traces très ruinées révèlent cependant la présence à une trentaine de mètres du temple d'un bâtiment organisé autour d'une cour rectangulaire entourée de portiques, précédent un puits (LVIII). C'est celui-ci qui retiendra notre attention, à cause d'une étonnante longévité (du début ou du milieu du II° s. av. JC au début du I° s. ap. JC) et de la place centrale qu'il occupe dans tous les programmes monumentaux qui se sont succèdés en ce secteur.

Tels sont les plus anciens édifices connus, dans la partie Nord du centre monumental de Glanum. Plus au sud s'étendait l’Agora, la place publique, jusqu'au rempart qui protégeait le seul sanctuaire du défilé, laissant à découvert le reste de la ville. Or lorsque les légions de Rome marchèrent sur la Provence en 125 et 124 av. JC : c'est le sanctuaire indigène, avec ses stèles, ses statues assises en tailleur ses piliers aux têtes coupées, qui fut la principale victime de cette incursion et dont les vestiges se retrouvent, en remploi, dans la plupart des édifices construits au cours de la phase suivante.


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En effet Glanum se releva rapidement de ses ruines. Elle paraît avoir rassemblé après la défaite l'énergie et les richesses de populations indigènes particulièrement dynamiques tout au long du II° s. La notoriété du sanctuaire glanique, sa tradition monumentale déjà éprouvée, paraissent en avoir fait un double symbole pour le peuple salien : celui de sa résistance à l'assujettissement et celui de sa capacité à assimiler de façon autonome les apports de la civilisation gréco-romaine.

De fait, le dernier quart du II° et les premières années du I° s. av. JC sont le cadre, à Glanum, d'un extraordinaire élan édilitaire.


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Construits sur les ruines d'édifices antérieurs, dont ils remploient en fondation maints éléments, les monuments (mis au jour par H. Rolland) se pressent autour de l'agora, au pied du rempart en grand appareil que couronnent des merlons arrondis. En sortant du ravin de la source, par la porte voûtée de l'enceinte, on contemple un paysage urbain soudain élargi, ouvert sur de belles perspectives monumentales. Ce sont d'abord, à main gauche deux petites chapelles jumelles, abritant chacune un héros assis en tailleur sur un socle élevé, entouré de stèles peintes. Elles encadrent un escalier montant vers le sanctuaire rupestre, dont le ravinement et le temps n'ont laissés que des traces trop ténues. A main droite, un portique à deux nefs recueille l'eau courante dans un bassin en pierre : selon H. Rolland, les pèlerins faisaient là des ablutions purificatrices, avant d'entrer dans le sanctuaire. Tout près, une exèdre (XXXI) offrait son banc : à l'époque romaine, un certain Venustus gravera sur ces murs le paysage architectural qui l'entourait (avec fantaisie). En face s'ouvrait le "bouleutérion" XXIX, salle d'assemblée du conseil municipal, dont l'auditorium de plein air, entouré de gradins disposés sur trois côtés autour d'un autel circulaire, s'adossait à un vaste portique. Tout à côté, l'édifice XXVIII, avec ses deux chambres et son vestibule, paraît lui être lié.


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La partie Nord du centre monumental glanique, plus tard recouverte par le forum romain, est la mieux connue.

Au pied du temple toscan XVIIa est creusé un escalier tortueux, qui ne comporte pas moins de trois volées et deux coudes, et conduit huit mètres plus bas à l'eau d'un puits sacré de trois mètres de diamètre. Le couloir ("dromos") était couvert de dalles et le puits probablement surmonté d'un édicule, car c'est sur lui que s'orientait et ouvrait ses portes un nouvel édifice LVII, vaste et somptueux, remplaçant l'ancien bâtiment à péristyle rectangulaire dont il remploie de nombreux éléments.

Le puits LVIII entouré d'un bassin dallé peu profond, est abrité au centre du portique sud où il se trouve en liaison optique avec le puits à dromos (LX), grâce à la large porte du portique nord. Dans les pièces sud se trouvait un autre petit bassin et des aires dallées; dans l'angle sud-ouest, une fontaine circulaire (L) ouvrait sur la rue qui bordait le bâtiment.

Sa situation en bordure nord de l'agora, à proximité immédiate du "bouleutérion" et du bâtiment XXVIII, dont la fonction est peut-être administrative, en fait un monument public. Son plan est celui d'une maison, mais beaucoup plus vaste et luxueuse que celle que les premières fouilles ont dégagées dans l'îlot nord-ouest. Le mobilier évoque des préoccupations sacrées autant que matérielles. Un tel édifice à Glanum, associé au "bouleutérion", montre l'ampleur et la profondeur de l'hellénisation du sanctuaire à la fin du II° s. même s'il est difficile d'apprécier la réalité politique indigène (aristrocratique) qui avait voulu se doter de ces monuments spécifiques de la "polis".

Ces années de fortune et de brillante civilisation prirent fin en 90 av. JC, lors de l'expédition punitive romaine qui mit un terme à la dernière tentative de résistance salyenne. Relativement épargnée en 125-124 av. JC, Glanum fut cette fois saccagée. Massacre et déportation la privèrent de ses forces vives : certains édifices ne furent jamais reconstruits, d'autres maladroitement restaurés (moellons irrréguliers et adobe utilisés sur les "oppida"). Au nord de l'agora les fouilles récentes autorisent une analyse plus précise des transformations du secteur.

Le changement le plus radical concerne l'affectation du secteur. Il ne peut plus jouer le rôle d'espace publique et sacré. Sur les ruines du temple et des monuments voisins sont bâties des maisons de taille et de conception modeste. Le puits à "dromos" (LX) paraît être le point d'eau commun des ces maisons et il n'est pas certain qu'il ait conservé son caractère sacré. Sa partie circulaire, démantelée, fut remontée en moellons disposés à la hâte. Le beau batiment LVII perd une partie de son péristyle et reçoit divers aménagements mais le puits LVIII demeure. Le quartier vivote tant bien que mal au cours de la première moitié du I° s. av. JC.

Les maisons aux deux Alcôves (XVIII et XVI) se réduisent encore à leur partie orientale. Le ravin, peu à peu est remplacé par une canalisation permettant ainsi aux deux maisons de s'étendre et à une troisième d'être construite (XII). Ces maisons furent détruites lors des évènements de la guerre civile (chute de Marseille en 49 av. JC); les restaurations et extensions dateraient alors de la réoccupation du quartier au début de la période plus stable suivant l'octroi du statut d'"oppidum latinum" vers 45 av. JC. Ce changement de statut marque le point de départ de la véritable romanisation du sanctuaire salyen. Quant aux maisons modestes du quartier central, elles vont peu à peu disparaître sous l'emprise des constructions publiques.

2.2.3 Le centre monumental gallo-romain

Entre 45 et 27 av. JC les embellissements paraissent concerner l'habitat, le tombeau des familles aisées et le sanctuaire où est dédiée vers 39 av. JC une chapelle corinthienne à la déesse romaine de la santé Valetudo (XXXVIb). A partir de 27 av. JC (année de la visite d'Auguste dans la Provincia, qu'il réorganise sous le nom de Narbonnaise, ce qui va stimuler les villes de la région), Glanum se dote d'un centre monumental rénové mais où l'héritage de son passé architectural reste sensible.

C'est d'abord la maison aux Deux Alcôves et le puits à dromos LX qui disparaissent sous le "forum" augustéen dès le début des annés 20 av. JC, puis les maisons XVI, XIX et XII. Les éléments essentiels du forum romain d'époque impériale y sont réunis (une place dallée entourée de portique (XXIIa), la basilique (XXIa et le sanctuaire du culte impérial (XXIV-XXV)). Grâce à ces travaux les édifices ainsi ensevelis sous de puissants remblais nous sont parvenus dans un état de conservation exceptionnel.

Les édiles ont conçu un premier centre monumental à la fois modeste et original. La disposition en est inhabituelle : pour conserver le puits sacré (LVIII), laisser dégagée la perspective vers le sanctuaire de la source, les temples géminés sont implantés sur le côté ouest du complexe. Un autre monument (XL) ferme la place à l'est (H. Rolland y reconnaissait un théâtre).


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La place du forum (XXIIa) est une aire dallée quasi carrée, largement ouverte au sud et fermée au nord par un portique à deux nefs auquel on accèdait par un escalier monumental. De chaque côté s'articule un portique. Il se dégage de ce premier forum une impression d'homogénéité et de faible différenciation entre le corps principal et les ailes du bâtiment. Mais il assure une transition progressive entre le centre monumental gallo grec et celui de l'"oppidum latinum". Plus au sud le portique à deux nefs (XXXII) est restauré, les ruines des chapelles aux accroupis (XLV) sont recouvertes d'un dallage portant un petit monument (XXXIVb).

Le décor architectonique des édifices témoigne de la mise en place progressive d'un paysage monumental de plus en plus marqué par l'exaltation de la conquête. Dans les années 20-10 av. JC fut construit un péribole (XXIII) à trois ailes, une fontaine (XXVI) abritant dans un édicule semi-circulaire des trophées et gaulois prisonniers. Enfin vers le milieu ou la fin du règne d'Auguste, le puits LVIII disparaît sous une plate-forme dallée (XXVII). C'est à la même époque qu'un arc est érigé à l'entrée de l'agglomération.


Plan du premier centre monumental gallo-romain.jpg
Plan du premier centre monumental gallo-romain.jpg

A la fin des années 20 av. JC, le centre de Glanum reste modeste : le forum presque carré ne possède au nord qu'un portique élargi à deux nefs qui lui tient lieu de basilique judiciaire.

La troisième décennie av. JC a donc bien correspondu au remodelage des aires publiques de la ville, l'achèvement de leur équipement monumental va encore demander beaucoup de temps. De fait c'est seulement à la fin du règne d'Auguste que l'agrandissement du forum vers le nord permet de doter la place d'une annexe couverte, une basilique à déambulatoire périphérique. Celle-ci se caractérise par son volume et son autonomie. Elle joue pleinement son rôle d'espace d'accueil abrité, où pourront se traiter les affaires publiques et privées des Glaniques. Le problème qui reste ouvert, à ce stade de l'évolution du site, est celui de la date à laquelle furent ajoutées, au nord de la basilique, les salles dont ne subsistent que les éléments inférieurs. Il s'agirait, d'est en ouest, de la curie, c'est à dire le siège des décurions ou conseillers municipaux et le tribunal où siègent les juges. Au niveau inférieur, on rencontrait le dépôt des archives et la prison ("carcer"). Plusieurs indices plaident en faveur d'une mise en place différée de ces annexes, qui peuvent n'avoir été achevées à Glanum qu'à la fin de l'époque julio-claudienne.

De toute façon la clôture sud du forum, avec son exèdre axiale n'a été bâtie qu'à l'époque flavienne (dernier tiers du I° s. ap. JC). Malgré tout l'ordonnance et la typologie monumentales du "bloc-forum" ne se sont imposées que progressivement; les formes canoniques, notamment de la basilique, ont connu des phases transitoires reflétant celles de la progressive "assimilation" des modes de vie et des institutions locales. Cette assimilation ne correspond pas obligatoirement à une "romanisation" en profondeur : celle-ci laissant encore beaucoup à désirer dans les premières décennies de l'Empire.

Les glaniques ont dû notamment leur prospérité à ce développement urbain et à une situation leur permettant de contrôler le transit. De ce fait Glanum a logiquement évolué économiquement et commercialement.

2.3 La prospérité des glaniques au travers des vestiges de l'activité commerciale

Les fouilles ont mis en évidence cette prospérité au travers de découvertes de céramiques, d'amphores et de monnaies.

2.3.1 La céramique

C'est en fait la céramique fine qui peut servir de marqueur des échanges commerciaux car elle est plus facile à identifier. La céramique était un objet de transactions spécifiques et un complément logique de cargaison de denrées. A Glanum, à l'époque impériale elle révèle plusieurs phases d'importation et ce, du mobilier campanien et ses imitations régionales, jusque, dans le cours du II° s., aux vaisselles claires B présumées rhodaniennes et aux importations d'Afrique proconsulaire (subsistant encore dans les réoccupations sporadiques tardives du site ruiné). Mais il y avait également une grande diversité d'achats complémentaires de mobilier de diverses provenances liées à la variété des courants commerciaux alimentant la ville.

Les séries les plus classiques (les sigillées) proviennent du grand dépotoir utilisé jusqu'au début du II° s. (la datation ne pouvant être plus précise). Leurs substituts tardifs ont été le plus souvent enregistrés et classés à posteriori, il n'y a donc pas non plus d'indices chronologiques locaux. Si bien que ce mobilier ne sera utilisable que par réfèrence à ses caractères morphologiques et sera tributaire des datations extérieures au site.

Sous le régime d'Auguste : 180 tessons estampillés constituent l'essentiel des découvertes. Les importations se répartissant inégalement sur une période de 40-50 ans. Quelques potiers, la plupart d'Arezzo (Arretium), sont responsables des premières pièces importées.

La forme des vases, la place et le contenu des estampilles datent la fabrication des échantillons les plus anciens vers 20 av. JC. Inversement l'apparition des formes et des marques les plus tardives est située à Arezzo au plus tard vers 15-20. La répartition des produits entre les potiers fait ressortir le rôle prépondérant d'un atelier célèbre d'époque "classique" (de 10 av. à environ 20 ap. JC) : celui de Cn. Ateius et de ses affranchis. On leur doit notamment deux des trois échantillons les plus remarquables par leur rareté : un bol tronc cônique signé ATEI et surtout une coupe carénée à décors végétaux signée Cn. Ateius Euryalus. L'origine de ces matériaux reste néanmoins douteuse car aucune marque ni analyse ne permet d'établir un rapport entre Glanum et les succursales lyonnaises des fabriques italiques. Par contre des potiers venant de Pise, Pouzzoles ou d'Italie centrale sont considérés comme arrétins.

Comme autre trace des relations avec l'Italie on peut mentionner les lampes. Deux générations successives sont attestées par des échantillons datés entre la fin du II° s. av. JC et le cours du règne d'Auguste. L'analyse des pâtes a montré que les plus anciens (lampes à vernis noir "campaniennes") avaient accompagné les vaisselles venues du sud de l'Italie et que d'autres modèles peuvent être méridionaux (lampes "ad anitrelle"). La seconde génération (lampe "à grènetis", à ailerons) prouvent une diversification des provenances.


Lampe a grenetis.jpg
Lampe a grenetis.jpg

C'est au premier siècle que l'on voit les nouvelles vagues d'importation : le relai des ateliers italiens est pris à partir du règne de Tibère par les centres de production du sud de la Gaule notamment. La Graufesenque qui a fourni à Glanum une vaisselle de table d'excellente qualité. L'inventaire des formes attestées sur le site et du mobilier du tessonnier prouve toutefois la très faible représentation de quelques modèles précoces. Impression encore renforcée au vu de la liste des fabricants. En effet les modifications apportées par des céramologues (B.Hartley, A.Vernhet) à la chronologie de F.Oswald (1931) conduisent à réduire le nombre de potiers actifs à partir du règne de Tibère ou un peu plus tôt : une dizaine seulement attestés à Glanum.

Mais la multiplicité, à Glanum, des fournisseurs apparus entre 25 et 45 confirme l'explosion commerciale qui coïncida dans la fabrique ruthène avec le règne de Claude. La plupart de ces fournisseurs paraissent avoir débuté entre env.20 et env. 50.

Cependant le problème se pose, en l'état actuel des fouilles, de la durée réelle des modèles italiques les plus tardivement produits, celui de la réévaluation proposée pour les débuts de certains potiers ruthènes. Lors de la période de transition (20-30) la situation est proche de la solution de continuité, mais ce n'est peut-être pas la réalité.

Quant à la question de la fin des importations sud-galliques : les estampilles permettent de conclure à une chute rapide à la fin du I° s. et au début du II° s.

Mais on peut quand même conclure à une permanence du commerce grâce à la profusion des coupes et assiettes tardives non signées et de type banal. La présence d'un vase décoré signé L. Cosi et de bols (du deuxième quart du II° s.) d'une succursale de La Graufesenque semble prolonger les relations avec les ateliers sud-galliques plus tard qu'on ne le pensait. De plus un lot important de petits vases à parois fines peut, d'après son apparence, être imputé à des ateliers de Bétique fonctionnant du règne de Claude à l'époque flavienne et prouve que les relations de Glanum au I° s. ne se limitèrent pas aux ressources gauloises. Les lampes, enfin, témoignent de la continuité des relations avec l'Italie. Cependant la concurrence locale se développe avec un potier, LHOSCRI.

Le déclin des ateliers méridionaux ne s'accompagna pas d'une invasion de vases du Centre, omniprésents, au contraire. Mais le relais est assuré par deux variétés de vaisselles : les unes régionales (les céramiques claires B et luisantes d'origine rhodanienne), les autres d'Afrique proconsulaire (les céramiques claires A et C). Les claires B sont diffusées essentiellement en Provence entre le milieu du II° s. et le début du III° s. Mais les débuts de la production se situeraient vers 120. Les luisantes seraient, quant à elles, du III° et surtout du IV° s.

A priori les vaisselles de Glanum sont classées en claire B / luisante. Il s'agit le plus souvent de formes ouvertes, notamment les bols L2, 8, D12 et assiettes L9, bols L1 / 3 et D44 et les pots sphériques à goulot court D15.


Illustrations des Ceramiques claires.jpg
Illustrations des Ceramiques claires.jpg

Les modèles africains sont datés grâce notamment aux travaux de J.Hayes et de l'équipe d'A.Carandini. Huit formes seulement représentent la céramique claire A; se sont pour l'essentiel des modèles ouverts et creux proches des bols gallo-romains. De plus on peut remarquer la précocité des vases les mieux représentés dont certains auraient disparus dans le milieu du II° s. Seul un modèle rare (une coupe à deux anses) singularise ce mobilier qui paraît s'être appauvri quantativement après le milieu du II° s. Quant à la vaisselle claire C elle ne compense pas ce recul et ne figure qu'à l'état de traces. Seuls des récipients culinaires, de médiocre facture, semblent témoigner d'une certaine vitalité du commerce "africain" à la fin du II° ou au début du III° s.

Peu d'autres mobiliers témoignent d’autres échanges commerciaux sinon quelques céramiques de fantaisie couvertes d'un vernis plombifère vert bouteille (elles pourraient provenir du Latium ou de Campanie).

Les lampes sont difficiles à attribuer à telles ou telles zones connues de production et leur datation pose problème. La plupart des types inventoriés apparaissent dès le I° s. et le rythme local de leur évolution reste incertain. Seules certaines "Firmalampen" peuvent être placées au II° s.


Firmalampen a canal ouvert.jpg
Firmalampen a canal ouvert.jpg

Paradoxalement le mobilier africain tardif (claire D) est peu, mais diversement attesté au pied des Alpilles; mais les fragments sont souvent tout petits ce qui en rend incertain l'identification et la datation.

Mais la chronologie implique quand même une fréquentation comprise au minimum entre le milieu du V° s. et celui VI s., au maximum entre le début du IV° s. et au moins la fin du VI° s.

De même les lampes de type "paléochrétien" (Hays I et II) attestent une occupation sporadique ou sont associées à des rites funéraires (dans les remblais couvrant la ville morte ou à sa périphérie). L'analyse archéologique et physico-chimique de ces échantillons permet d'en attribuer la plupart à des ateliers africains. La variété et la très relative abondance de ces vestiges tardifs reflète donc une activité commerciale, mais à cette époque la vie des habitants s'est organisée ailleurs.

2.3.2 Les amphores

Elles font l'objet du commerce avec le monde méditerranéen.

L'archéologie a mis longtemps à s'intéresser aux amphores, et pour peu qu'elles soient en mauvaise état, elles n'ont pas été publiées. Les amphores sont le témoin des arrivées de vin, d'huile et de conserves de saumure.

Les fouilles anciennes de Glanum ont livré des amphores, la plupart sous forme de tessons.

A condition de mettre à part le sanctuaire indigène qui connaît une fréquentation dès l'époque archaïque, les premières traces d'importations datent du dernier tiers du II° s. av. JC avec l'arrivée d'amphores à vin d'Italie centrale (Etrurie, Latium et Campanie). Les amphores gréco-italiques, qui atteignent la Gaule dès la fin du III° s. ne sont représentées à Glanum que dans leur toute dernière forme et par quelques exemplaires. En revanche, les amphores vinaires Dressel 1, qui inondent la Gaule à partir du dernier quart du II° s., et surtout au I° s. jusqu'à l'époque augustéenne, arrivent en beaucoup plus grande quantité. Quelques amphores montrent l'arrivée d'huile et de vin, produits sur la façade adriatique de l'Italie, et de vin rhodien.

Le haut Empire voit une diversification des arrivées. A côté du vin de la région que contenaient les amphores gauloises apparaissent les amphores à vin et à saumure d'Espagne.

Tout aussi classiquement les produits d'Afrique, huile et saumures, contenus dans une large variété d'amphores africaines se substituent aux espagnoles au II° s.

On remarque un courant commercial dont on suit les traces discrètes mais régulières du milieu du II° s. av. JC au II° s. ap. JC, avant de dominer en nombre et en variété celui de l'Orient méditerranéen. Des amphores rhodiennes du sanctuaire en constituent le plus ancien témoignage, mais d'autres arrivées de Rhodes marquent les siècles suivants, ainsi que des amphores de tradition de Cos, datées du II° s. ap. JC. A partir de ce moment arrivent les amphores dont les tous premiers témoins remontent au milieu du II° s., mais qui marquent surtout les III° et IV° s. Enfin les dernières amphores dont on trouve des témoins dans le matériel des anciennes fouilles appartiennent à des types qui apparaissent au IV° s. pour devenir communes aux V° et VI° s. Ces amphores tardives sont moins bien connues que celles des périodes précédentes : leurs origines, contenus et dates font l'objet de recherches très prometteuses.

On peut citer comme exemple de trouvaille à Glanum : de la céramique avec de gros tessons d'amphores à pointe tronquée révélée à plus de six mètres de profondeur par un puits situé dans la cour à portiques. Trois de ces fonds d'amphores sont percés de trous régulièrement disposés, un quatrième porte l'estampille : Q I M M V S.

Les amphores attestent que, tout au long de son histoire, Glanum n'est pas resté à l'écart des grands courants d'approvisionnement de la Gaule narbonnaise.

2.3.3 La monnaie

Il est bien difficile de dresser un bilan des trouvailles monétaires faites sur le site de Glanum. Les labours ou le ravinement des eaux de pluie en ont régulièrement ramenées à la surface du sol, comme le rappelle par exemple Pierre Rivarel, au mois de septembre de l'an 1594. Plus tard en 1761 l'abbé Expilly le signale à son tour, de même que Millin et Isidore Gilles à l'aube du XIX° s.

Ces témoignages attestent l'abondance des trouvailles, mais laissent tout ignorer, ou à peu près, de leur nature et, à plus forte raison, ne permettent aucun dénombrement.

Cependant, durant la première moitié du XIX° s., le marquis Roger de Lagoy a étudié et publié des trouvailles monétaires du plus haut intérêt scientifique. On lui doit d'avoir fait connaître le premier exemplaire de la fameuse "drachme" de Glanum, mais il a également le mérite d'avoir attiré l'attention sur les petites monnaies d'argent ou de cuivre des peuples envahisseurs Wisigoth, Ostrogoth ou Franc. Ces dernières permettent de montrer qu'il y a eu une réoccupation tardive de Glanum après que la population se soit déplacée et ait créé une bourgade deux kilomètres au nord du site.

En 1824 le marquis de Lagoy découvrit à Glanum même le premier exemplaire de la monnaie au nom des "Glaniques". La face de cette pièce porte un tête féminine de profil à gauche, la chevelure bouclée couronnée d'épis, parée d'un collier de perles et de boucles d'oreilles. Au revers est gravé un taureau bondissant à gauche, surmonté d'une longue tige à trois feuilles terminée par un épi incliné à gauche. Entre celle-ci et la tête de l'animal se lit le monogramme formé des lettres grecques majuscules pi et nu, tandis qu'à l'exergue est inscrit en entier le nom des habitants de la ville en majuscules grecques : gamma lambda alpha nu iota kappa omega nu (glanikon). Les avis ont au siècle dernier divergés sur l'identification de la divinité représentée au droit de la pièce. Actuellement on pense que c'est le culte des mères glaniques qui serait évoqué et la source au revers. Les coins qui ont servi à frapper cette pièce sont de fort bonne facture, peut-être ont-ils été exécutés par un graveur au service de l'atelier de Marseille. Mais il est fort possible que l'outillage qu'ils constituent ait été livré aux autorités glaniques responsables de l'émission pour être ensuite utilisé sur place, par un artisan uniquement chargé de la frappe de monnaies. Par comparaison avec la gravure des coins marseillais, il semble que l'on puisse dater l'émission de cette monnaie de la fin du II° s. av. JC. Liée selon toute vraisemblance à des distributions exceptionnelles, le mystère demeure pourtant sur l'évènement qui fut à son origine.


Monnaie d'argent des glaniques - drachme de Glanum.jpg
Monnaie d'argent des glaniques - drachme de Glanum.jpg

Depuis le début des fouilles de 1921 quelques 1400 monnaies ont été recueillies dont la plupart à partir de 1943. Cependant les fouilles étant toujours en cours on peut s'attendre à de nouvelles découvertes tant dans les strates plus anciennes qui sont atteintes ainsi que dans les nouvelles zones fouillées, de ce fait on ne peut tirer aucune analyse définitive de ces trouvailles.

Mais pour François Salviat au contraire, la collection des monnaies recueillies à glanum est particulièrement significative. Elle fait apparaître la diffusion des monnaies de Marseille à l'époque ancienne, puis la vulgarisation du numéraire romain, d'origines et de frappes diverses.