La préfecture de l'annone

La politique urbaine à Rome

L'architecture romaine, éléments et influences
L'action édilitaire des empereurs
Le décor urbain de la ville
Les organes urbains dans la ville
L'eau dans la ville
La sécurité
La préfecture de l'annone

La préfecture de l'annone (d'après Léon Homo)

Le centre du service urbain de l'annone se trouvait à la Statio Annonae, édifice situé au sud du Forum Boarium, entre l'Aventin et le Tibre. Construit probablement sous Auguste, lorsque fut créée la préfecture de l'annone, il était situé juste à côté des entrepôts qui couvraient la rive gauche du Tibre jusqu'au delà de l'Emporium; des annexes de la Statio Annonae se trouvaient sur la rive droite.

I- Évolution du service

A/ Unification du service

L'organisation d'Auguste avait laissé l'approvisionnement de Rome divisé entre deux services d'importance inégale, pourvus chacun d'une mission particulière :

La scission du service de l'annone a donc disparu sous le principat de Claude; depuis cette époque, le préfet de l'annone réunit entre ses mains l'ensemble de l'approvisionnement urbain. Cette mesure a une double conséquence :

B/ Extension du service

Les faits principaux à cet égard sont les distributions régulières d'huile, établies par Septime Sévère, ainsi que les innovations alimentaires d'Aurélien. Il y avait eu, sous la République et pendant les deux premiers siècles de l'Empire, des distributions exceptionnelles d'huile.

La crise du IIIeme siècle, par la masse de réquisitions qu'elle entraîne notamment pour l'armée, met en péril l'approvisionnement de l'immense agglomération que représentait la Rome impériale (plus d'un million d'habitants). Aurélien établit alors des distributions mensuelles de pain, en remplacement des traditionnelles distributions mensuelles de blé, ainsi que des distributions régulières de viande et de sel, et des ventes de vin à prix réduit.

Sévère Alexandre avait placé sous surveillance gouvernementale les corporations qui jouaient un rôle pour l'approvisionnement régulier de la capitale. Aurélien va encore plus loin en transformant ces corporations en véritables organismes d'État. Le résultat fut la création de nouveaux services sous la direction du préfet de l'annone.

C/ Augmentation du personnel

L'unification de l'administration de l'annone aux mains du préfet de l'annone et la création de nouveaux services alimentaires eurent pour conséquence d'augmenter l'importance de cette fonction. Il fallut à la fois renforcer la direction et augmenter le personnel d'exécution. Le préfet fut doublé d'un auxiliaire, un affranchi impérial qui apparaît au temps de Néron. Par la suite, au plus tard sous le principat de Marc-Aurèle, cet adjutor fait place à un sous-préfet d'ordre équestre, conçu sur le type du sous-préfet des vigiles.


Figure 1 : Les empereurs et la préfecture de l'annone

Gracques

vers 130-120 \ajc

Distribution régulières de blé.

César

45 avt. J.-C.

Loi Julia Municipalis organisant les distributions.

Auguste

27 \ajc -14 \pjc\

Deux services : préfecture de l'annone et service des distributions publiques.

Claude

41-54

Fusion des deux services. Les praefecti frumenti dandi disparaissent. Les bénéficiaires reçoivent une tablette de bois avec tous les renseignements.

Néron

54-68

Le préfet de l'annone est doublé d'un adjutor, affranchi impérial.

Trajan

98-117

Les praefecti frumenti dandi réapparaissent, nommés par sénatus-consulte, et sont chargés de distributions exceptionnelles.

Marc-Aurèle

161-180

L'adjutor fait place à un sous-préfet d'ordre équestre.

Septime Sévère

193-211

Distributions régulières d'huile. Le Portique de la Minicia devient le siège de l'administration des eaux et le procurateur de la Minicia, chargé des distributions, passe sous ses ordres, mais en conservant la direction technique de son service. Les distributions cessent d'avoir lieu dans le Portique, et se déroulent dans la plaine subaventine.

Sévère Alexandre

222-235

IL place sous surveillance gouvernementale les corporations chargées de l'approvisionnement. Il procède plusieurs fois à des distributions extraordinaires de viande de porc.

Aurélien

270-275

Distributions mensuelles de pain, distributions régulières de viande de porc et de sel, ventes de vin à prix réduit. Il transforme les corporations chargées de la distribution en organismes d'État.


II- Le système d'approvisionnement

L'approvisionnement de Rome en blé exigeait un total de 60 millions de modii (1 750 000 hectolitres), dont vingt millions fournis par l'Égypte et quarante millions par l'Afrique. La charge de la réquisition, pour la première, relève du préfet d'Égypte qui a la haute main sur l'exportation et la vente du blé. Le blé ainsi importé à Rome au compte de l'État est soit distribué gratuitement au titre des alimentations, soit vendu, généralement au cours habituel du marché.

Le nombreux personnel placé sous les ordres du préfet de l'annone comprend des éléments divers : fonctionnaires d'ordre équestre, procurateurs, hommes libres, masse d'emplois en sous-ordre, composé principalement d'esclaves et d'affranchis impériaux. Quant au personnel des entrepôts, il se compose en règle générale d'esclaves impériaux, plus rarement d'affranchis. Les magasins étaient placés sous la direction d'un intendant.

A/ Fourniture des denrées

Les denrées nécessaires à l'approvisionnement de la ville de Rome sont fournies, dans des conditions légalement fixées, par l'Italie et les provinces. En Italie même, il faut distinguer entre l'ensemble de la péninsule qui livre du blé, du bétail et du vin, et certaines régions de l'Italie du Sud expressément désignées : porc pour la Campanie et le Sammium, porc et vin pour la Lucanie, vin et boeuf pour le Bruttium. Ces quatre régions sont placées sous l'autorité directe du préfet de la Ville.

Les provinces se divisent également en deux catégories : les provinces nommément astreintes aux livraisons en nature : l'Égypte pour le blé jusqu'à la fondation de Constantinople, date à laquelle ses livraisons seront exclusivement réservées à la seconde capitale, l'Afrique pour l'ensemble du blé et de l'huile, l'Espagne et la Sardaigne pour le blé. Il y a aussi des provinces de secours auxquelles l'État s'adresse en cas de livraisons insuffisantes, par exemple la Gaule et la Germanie pour le blé.

Pour tous ces pays, la livraison s'effectue en nature avec interdiction de s'acquitter en argent. En raison des difficultés de transport, les régions italiennes, pour ce qui concerne le vin, peuvent en fournir l'équivalent en espèces.


Figure 2 : Origine des aliments importés à Rome

Aliments

Origine

Blé

Italie entière, Égypte, Afrique, Espagne, Sardaigne; Gaule et Germanie en cas de livraisons insuffisantes.

Bétail

Italie entière.

Vin

Italie entière, Lucanie, Bruttium.

Porc

Campanie, Sammium, Lucanie.

Boeuf

Bruttium.

Huile

Afrique.


B/ Le transport

Il s'agit d'abord d'amener les denrées à la mer; l'opération se fait soit par terre (les propriétaires fonciers doivent, sous forme d'une prestation obligatoire, en fournir les moyens), soit par eau, par les soins d'une corporation organisée à cet effet, la corporation des bateliers (navicularii). Les mêmes corporations sont chargées du transport par mer. Le contrôle et la gestion de ces moyens de transport relèvent, pour le transport jusqu'à la mer, des gouverneurs italiens et provinciaux; pour les transports par mer, des vicaires d'Italie, d'Espagne, d'Afrique selon le cas.

Parvenues à Ostie ou Pouzzoles, les denrées sont prises en charge par un nombreux personnel d'employés impériaux qui les vérifient à la fois en quantité et en qualité. On les divise en deux lots, celles qui provisoirement resteront à Ostie et qui sont entreposées sur place, et celles qui continuent sur Rome. Pour ces dernières, un service fluvial de dépêches par barques avise le préfet de l'annone chargé d'en prendre livraison.

Les sacarii procèdent au transbordement sur des navires fluviaux, service assuré par la corporation des codicarii qui les conduisent à Rome et les portent dans les divers entrepôts de la ville (horrea) de la capitale, presque tous aux mains de l'État, les uns magasins généraux situés au bord du Tibre, les autres magasins locaux répartis dans les quatorze régions. Les Régionnaires du IVeme siècle donnent un nombre d'environ 335 horrea.

C/ La distribution

Les denrées une fois parvenues à Rome, c'est l'État seul qui en assure la distribution. La vente du blé représente un monopole, grâce auquel l'État n'a pas à craindre la concurrence des particuliers. Commerçant et fabricant, il vend l'ensemble des denrées dont il dispose, aux boulangers s'il s'agit de blé, aux autres commerçants de détail pour les autres produits.

La vente libre se fait au cours, sauf de rares exceptions dues à des circonstances particulières, où l'État intervient pour fixer un prix maximum. Le cas se rencontre une fois sous Tibère, et une autre fois sous Néron, au lendemain de l'incendie de 64. En temps normal, l'État cherche au contraire l'aide du commerce libre et vise à se le concilier par des privilèges variés.

Les boulangers forment la corporation des pistores. Leur organisation a pour conséquence l'hérédité de leur fonction. Il y avait à Rome entre 254 et 258 boulangeries publiques, et 2 300 comptoirs de distribution de l'huile au détail.

Pris aux entrepôts de la ville, le blé est amené aux moulins situés au pied du Janicule, puis des moulins aux boulangeries par une corporation au service de la boulangerie, les catabolenses. La viande de porc est remise à la corporation des suarii en nature ou, le cas échéant, sous la forme d'un équivalent pécunier avec lequel elle achète de la viande en Italie même. Les pecuarii et les vinarii assurent le même service, respectivement pour la viande de boeuf et le vin.

Le commerce de ces diverses denrées se fait dans les centres appropriés, le Forum Suarium au Champ de Mars pour la viande de porc, le Forum Vinarium sur l'Aventin pour le vin. Ces diverses denrées parviennent aux habitants de Rome sous une double forme, la vente à prix réduit et les distributions gratuites.

Il y avait aussi trois marchés, le plus important étant celui de Trajan, lié à la construction du Forum de Trajan par Apollodore de Damas. S'y trouvaient groupées environ cent cinquante boutiques. La construction de ce marché monumental eu pour conséquence d'enlever toute importance aux marchés traditionnels spécialisés (légumes, comestibles, poissons) du centre de la ville. Les Régionnaires n'en font plus mention.

III- L'«assistance publique»

A/ Les distributions gratuites

1) Les distributions régulières

Le système des distributions gratuites ou des ventes à prix réduit, selon le cas, porte sur le blé depuis les Gracques, l'huile depuis Septime Sévère, le pain (en remplacement du blé), la viande de porc, le sel et le vin depuis Aurélien. Le nombre des ayants droit, fixé à 200 000 par Auguste, ne variera pas jusqu'à la fin de l'Empire.

Le mode et le lieu de distribution ont varié au cours de la période impériale. La loi Julia Municipalis, de 45 avant J.-C., établit que la distribution ne se fait pas au Forum et dure plusieurs jours. Il y a en fait plusieurs lieux de distribution et celle-ci s'effectue simultanément. Pour les emplacements, nous n'avons pas d'indications précises.

Le grand problème consiste à organiser l'opération de manière à éviter aux 200 000 intéressés la longueur et la cohue de l'attente. On met donc en place 45 bureaux, desservis par autant d'arcades (ostia) numérotées. Les bénéficiaires sont divisés en groupes chacun affectés à une entrée, un bureau et un jour de distribution particuliers. Cette répartition opérée, chacun reçoit, au moins depuis Claude (qui semble avoir perfectionné le système alimentaire urbain) une tablette de bois indiquant les nom et prénom du titulaire, probablement son domicile, les numéros de l'arcade et du bureau, et le jour de la distribution.

Le personnel de distribution (des curateurs qui sont des affranchis impériaux) sont placés sous la direction d'un chef de service, le procurator Miniciae. Un changement important se produit à la fin du IIeme siècle après J.-C. : le service des eaux s'installe à la Minicia, les curateurs sénatoriaux prennent le titre de curateurs des eaux et de la Minicia. Le procurateur de la Minicia passe désormais sous leurs ordres, mais en conservant la direction technique du service.

2) Les distributions extraordinaires

La seconde catégorie de distributions, les distributions extraordinaires, portent soit sur des denrées diverses (par exemple, Sévère Alexandre procède plusieurs fois à des distributions extraordinaires de viande de porc), soit surtout sur de l'argent. À l'occasion d'événements particulièrement solennels (prise de possession du pouvoir, mariage, adoption, proclamation de l'héritier au trône, triomphes, victoires), les empereurs procèdent à des distributions exceptionnelles en numéraire, libéralité ou congiaires. Y ont droit les bénéficiaires inscrits sur les registres de l'annone, et quelque fois, un nombre plus considérable encore. Le montant de ces libéralités varie selon la prospérité du temps et la générosité personnelle des empereurs: 60 deniers pour Caligula, 100 pour Pertinax, 200 pour Marc-Aurèle.

Depuis Septime Sévère, date où le Portique de la Minicia semble être devenu le siège de l'administration des eaux, les distributions cessent d'avoir lieu dans le portique pour se faire désormais, par une décentralisation radicale du service, dans les horrea de la plaine subaventine.

B/ L'assistance médicale

À la différence des distributions qui remontaient à l'époque républicaine, le service de l'assistance médicale, pour la ville de Rome, ne fait son apparition qu'au Bas-Empire, mettant en place un médecin par région (les archiatres), qui ont de grands privilèges.


URL d'origine : http://historama.free.fr (fermé)

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