Tell El-Amarna

Tell el-Amarna

Sous le soleil d'Akhenaton

(Article tiré de Sciences et Avenir)
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Durant dix-sept ans, sous le règne d'Akhenaton, Tell el-Amarna fut le centre rayonnant de l'Egypte. Arasée par les successeurs du roi hérétique, elle reste malgré tout le témoin privilégié d'un règne plus despotique qu'on l'imagine.


Qu'est-il donc venu faire ici ? C'est la première question qui vient à l'esprit face à L'aride désert qu'est aujourd'hui devenue l'ancienne résidence royale d'Aménophis IV. Du haut des contreforts de la chaîne Arabique qui délimite le site - un vaste cirque de 30 kilomètres carrés, sur la rive est du Nil - le paysage se révèle dans toute sa Sécheresse caillouteuse. Soulevée par le vent, une brume de sable ocre brouille le moindre relief et accentue encore sa platitude.
La légende a la peau dure. Dans l'imagerie égyptologique, Aménophis IV est devenu une Sorte de révolutionnaire avant l'heure : un jeune pharaon, épris de nature et de Liberté, en rébellion contre le tout-puissant clergé d'Amon-Rê, qui aurait décidé de créer, loin de la vallée thébaine, un royaume idéal, Dédaignant Amon, dieu dynastique, pour se dédier tout entier à Aton, le glorieux disque solaire, il prend le nom d'Akhenaton, "le desservant d'Aton ". Et choisit Tell el-Amarna à cause de sa forme circulaire qui rappelle l'astre levant.
"La réalité est sans doute un peu différente, explique Marc Etienne, conservateur Au Louvre et spécialiste de la période amarnienne. Sur les bornes frontières qui délimitent l'espace qu'il s'est choisi, Akhenaton explique que cette terre n'appartient à aucun dieu. En fait c'est surtout une zone qui échappe à la taxation fiscale, puisqu'elle n'est pas rattachée à un temple ou aux terres d'un particulier. Quant à faire d'Akhenaton un pharaon épris de la liberté et d'égalité, il suffit de regarder les vestiges de Tell el-Amarna pour comprendre son erreur : c'est sur ce site que l'on a retrouvé la plus grande caserne d'Egypte, le plus grand poste de police aussi."
Les tombes aménagées dans la falaise nord, importants documents pour comprendre la vie de la cour, sont d'ailleurs explicites. Sur les bas-reliefs qui décorent la sépulture de mêrirê I, "grand prêtre du Disque dans le temple d'Aton", ou de Panéhésy, "premier Serviteur du Disque dans le Domaine-du-Disque", apparaissent des attitudes inhabituelles dans l'iconographie égyptienne: des personnages qui s'inclinent devant Pharaon, courbent L'échine au lieu de se tenir droit face à lui, main sur l'épaule, comme c'était L'habitude jusque-là. Quant au roi et à la reine, ils sont toujours présentés baignant dans la lumière du disque solaire : les rayons, terminés par des mains, les touchent, eux et personne d'autre, pas même les princesses qui figurent à leurs côtés.

Porte-éventails dans la tombe de Mêryrê
Porte-éventails dans la tombe de Mêryrê

"Plutôt qu'une rupture politique ou religieuse, il faut voir dans le règne d Akhenaton une sorte d'exacerbation de la fonction royale, explique Marc Etienne. Nous arrivons là au bout d'un mécanisme qui, au cours de la XVIIIe dynastie, a changé La perception que les Egyptiens avaient de la nature du roi dans sa relation avec les dieux." Ce mécanisme commence avec Hatchepsout (1471-1456 av. J.-C.) qui justifie Son règne, en tant que femme, en s'affirmant de la même essence qu'Arnon : le dieu se Serait substitué à son père physique pour la procréer. Aménophis III (1391-1353 av. J.-C.) reprend ce thème en se présentant, dans son temple de Louxor, non comme un Officiant auprès de la divinité, mais comme un fils qui retrouve son père. "C'est cet Aspect que développe Aménophis IV, poursuit l'égyptologue. Le roi et la reine deviennent la manifestation charnelle, tangible, de l'essence solaire sur terre." dès lors, pharaon ne se contente plus de garantir l'ordre universel, il en décide. "Voilà l'hérésie amarnienne, conclut Marc Etienne : non pas l'instauration d'un culte Solaire ou d'un prétendu monothéisme. Mais l'assujettissement de la grandeur immanente que représentait l'ordre cosmique à un déterminisme humain."
Cette hérésie fut si traumatisante que certaines inscriptions gravées sous Horemheb (1323-1293 av. J.-C.), à la fin de la XVIIIe dynastie, qualifient Akhenaton d'"ennemi", mot très fort pour les anciens Egyptiens. Les vestiges de Tell el-Amarna portent la marque indélébile de ce rejet. Dans les tombes, disques solaires, cartouches et représentations d'Akhenaton et de sa grande épouse Néfertiti sont systématiquement martelés. Quant aux monuments - palais officiel, grand temple d'Aton... - ils sont démantelés.
"Après la mort dAkhenaton, Toutânkhamon, son successeur, est sans doute resté à Tell el-Amarna deux ou trois ans, explique Marc Etienne. Puis il est parti et la ville A peu à peu été abandonnée." Les quartiers d'habitations, construits en terre crue, S'écroulent; Horemheb fait araser, puis recouvrir de plâtre les structures des grands Bâtiments; Ramsès II récupère les vestiges pour construire le temple d'Hermopolis. Et la ville solaire retourne au désert. "Malgré tout, conclut Marc Etienne, elle demeure un document exceptionnel. Car sous le plâtre déposé par Horemheb, le plan des temples et des palais a été conservé et permet d'imaginer ce qu'était une résidence royale et sa vie quotidienne au Nouvel Empire. "

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Dernière modification : 20.5.2011

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