Munus gladiatorium
Achille célébra par des concours les funérailles de Patrocle ; les peintures des tombes étrusques représentent des jeux funèbres. A Rome, les citoyens ne prennent pas part aux spectacles : on abandonne ceux-ci à des professionnels, qui sont admirés et méprisés ; il en fut ainsi pour ces jeux privés qu'étaient les jeux funèbres célébrés par les grandes familles à la mort d'un de leurs membres. Dès le IIIième siècle, ces jeux consistaient principalement ou uniquement en combats de gladiateurs, dont on peut attribuer l'introduction à Rome à l'un des clans oligarchiques qui dominaient alors la République, le clan des Junius Brutus et des Aemilius Lepidus. Sous le couvert ou le nom de jeux funèbres, les gladiateurs eurent donc un caractère d'abord funéraire et, jusqu'à la fin de la République, les funérailles des grands en seront le prétexte, presque sans exception. Tout le peuple était admis à assister à ces combats, qui étaient annoncés par un avis au public et dont l'organisateur avait le droit de se faire précéder de très officiels licteurs.
« Alors le peuple devient le véritable destinataire de ces spectacles, plus que la mémoire du défunt : « donner des gladiateurs » devient le meilleur moyen de se rendre populaire ; de « jeux funèbres », les gladiateurs deviennent ainsi un « cadeau » que l'on fait au peuple, un munus : voilà comment ce mot a pris le sens de « spectacle de gladiateurs ». (Paul Veyne, Le pain et le cirque, Seuil, 1976)
Munus appartient en effet à une famille de mots qui signifie au sens propre « accomplissement d'un charge ou d'un devoir ». La langue officielle conserve un archaïque munia, ium, au sens de « fonctions officielles, charges et devoir d'un magistrat » :
munia senatus magistratuum legum in se trahere, « il réunit en sa personne l'autorité du sénat, des magistrats et des lois », écrit Tacite (Annales,I, 2).
Munus officium significat cum dicitur quis munere fungi, item donum quod officii causa datur, le mot munus désigne une fonction officielle lorsqu'on dit que quelqu'un accomplit son munus, il désigne aussi le présent que l'on offre en raison d'une fonction officielle. (Festus).
Comme certains magistrats, les édiles par exemple, se devaient d'offrir des jeux au peuple (pensons à notre « rémunérer »), et tout particulièrement des combats de gladiateurs, munus, par métonymie, a rapidement désigné ces combats :
« Ainsi se constitue le couple d'opposition qui domine l'organisation des spectacles sous la République et pendant tout le Haut-Empire tant à Rome que dans les villes municipales : d'une part les «jeux», les jeux publics, au théâtre ou dans le Cirque, qui sont organisés par l'État, présidés par un magistrat, et qui reviennent chaque année, conformément au calendrier cultuel, et de l'autre les gladiateurs, spectacle laïc et privé qui est donné irrégulièrement quand un évergète, en son nom propre, en prend l'initiative. Devenu une évergésie pure et simple, le munus ne se couvre même plus d'un prétexte funéraire : d'autres prétextes sont aussi bons pour faire ce « cadeau » au peuple : à Pompéi, des combats seront donnés en l'honneur de la maison impériale ou pour la dédicace de quelque édifice public. » (Paul Veyne, Le pain et le cirque, Seuil, 1976)
La langue de l'Empire a formé les dérivés munerarius, « relatif aux combats de gladiateurs », qui s'emploie aussi avec le sens de munerator, « celui qui donne des combats de gladiateurs ».
N'oublions pas que celui qui s'acquitte bien des devoirs que lui impose sa charge est un homme munificus (munus-facio) dont on louera longtemps la munificentia.
Les combats de gladiateurs dureront jusqu'en 404, année où un édit de l'empereur Honorius les abolit.
Combat de gladiateurs dans l'arêne |
Le spectacle
Le confort a dû rester longtemps rudimentaire. A Pompéï, seules certaines sections de l'amphithéâtre comportent des gradins de pierre, ailleurs les spectateurs s'asseyaient à même le sol, à moins que l'on ait disposé des gradins de bois les jours de spectacle. A Rome, avant le Colisée, il n'existait pas d'amphithéâtre permanent. Les jeux étaient donnés au Cirque ou dans des amphithéâtres provisoires construits en bois.
Caligula, le premier, « autorisa les sénateurs, afin qu'ils ne soient pas assis directement sur les gradins de bois, à utiliser des coussins. » (Dion Cassius, LIX, 7). Je me demande s'il octroyait un privilège aux sénateurs, ou si au contraire il leur permettait de faire, enfin, ce que faisaient depuis longtemps les gens du peuple qui pouvaient se soucier du confort de leurs fesses sans risquer de perdre leur dignité.
Au théâtre, les premiers rangs étaient réservés à l'ordre équestre. Dans l'amphithéâtre, « auparavant, l'ordre sénatorial, l'ordre équestre et le peuple se plaçaient en se regroupant spontanément, sans qu'on leur ait attribué des secteurs définis de l'amphithéâtre. Au début de son règne [c'est-à-dire vers 41-42 ap. J.-C.], Claude attribua aux sénateurs la section qu'ils occupent encore [vers 200 ap. J.-C.] et il permit aussi à ceux d'entre eux qui le souhaitaient d'assister aux spectacles en se plaçant ailleurs et sans revêtir la tenue distinctive de leur ordre ». (Dion Cassius, LX, 7). Au cirque, dit Suétone (Claude, 21), propria senatoribus constituit loca promiscue spectare solitis il fit attribuer des places réservées aux sénateurs qui assistaient jusque là aux spectacles confondus avec le peuple.
Le Velum
Terme aussi célèbre qu'impropre. On doit en effet se rendre compte qu'un velum tel qu'on le représente trop souvent serait matériellement irréalisable : le poids d'une toile aussi grande et sa prise au vent auraient posé des problèmes techniques insurmontables. Les affiches de Pompéi parlent d'ailleurs toujours de vela, « les voiles, les toiles » : deux ou trois « voiles » en forme de triangle étaient tendues de l'extrémité des gradins vers le centre de l'arène et étaient déplacées suivant le mouvement du soleil.
Le prix
J'ignore à quelle époque ces vela furent installés sur les amphithéâtres. Ils existaient sous Caligula, pourtant Dion Cassius (ibid.) précise que cet empereur « permit aussi aux sénateurs de se couvrir la tête à la mode thessalienne pendant les spectacles, pour qu'ils ne soient pas incommodés par la chaleur », c'est-à-dire d'une sorte de bonnet, en feutre.
Le prix de l'entrée. Ici encore, j'avoue mon ignorance. Si quelqu'un peut m'indiquer une piste, je lui en serai reconnaissant.
Dion Cassius, encore lui, écrit dans son livre LIX, 13 : « Pour l'anniversaire de Drusilla, il (Caligula) fit porter sa statue au Cirque dans un char tiré par des éléphants et il donna au peuple un spectacle de deux jours gratuitement », ce qui laisse supposer que le peuple devait habituellement acquitter un droit d'entrée qui correspondait peut-être aux frais d'entretien de l'amphithéâtre, puisque les jeux eux-mêmes étaient offerts par un munerator.
Site d'origine : Historama
Gladiateur mirmillon (source La Documentation par l'image 1952) |
Gladiateur retiaire (source La Documentation par l'image 1952) |