Macrin

Néron NERON

Néron (Marcus Opelius Macrinus) (37-68), empereur romain (54-68)

Le règne de Néron a été de courte durée. Devenu empereur des romains le 13 octobre 54, il meurt le 11 juin 68. Il règne dans un contexte de renaissance.
Pourtant, Néron a été peint comme une figure de l'Apocalypse : ainsi chez Tacite, il tue Britannicus, son frère adoptif, sans même lui donner le temps d'embrasser ses soeurs, après l'avoir violé et souillé.
Sans entreprendre une réhabilitation de l'empereur, l'auteur tente de faire la part des choses. Néron a été un monstre mais aussi un réformateur.

La personnalité

Né à Antium le 15 décembre 37 après J.C., sous le règne de Gaïus-Caligula, neuf mois après la mort de Tibère. Le futur Néron traversa une enfance difficile. Sa mère, Agrippine la Jeune, était la fille de Germanicus ; neveu et fils adoptif de l'empereur Tibère. Témoin de l'exil puis de la mort de sa mère et de ses frères aînés, elle a épousé à 13 ans Gnaeus Domitius Ahenobarbus, le cousin de son père. Impliquée dans un complot, Agrippine est séparée de son fils qui se réfugia chez sa tante où il semble avoir été malheureux. En 40, son père mourut. Il n'avait que 3 ans.
Agrippine retrouva ses biens et se remaria avec un homme riche et influent qui n'était autre que le mari de sa tante.
Seules les nourrices de Néron, Eglogé et Alexandra, auront pour lui une véritable affection. Il fut initié à l'Orient par ses nourrices et à la Grèce par ses maîtres. Il reçut aussi l'enseignement de Chaerémon, prête égyptien gagné au stoïcisme.
Ses relations avec sa mère furent tumultueuses.
La personnalité de Néron était la résultante de cette enfance peu équilibrée. Dès le début de son règne, il s'adonne à la luxure (sorties nocturnes et rixes ; banquets ; adultère). A l'inverse, on décèle chez lui une angoisse existentielle.
Il avait une " belle tête ". Il était gourmand. D'une taille moyenne, le corps bien proportionné. Des yeux bleus, une vue faible. Selon Suétone qui en dresse un portrait peu flatteur : cou épais, ventre proéminent, jambes grêles, taches sur le corps ; il sentait mauvais.
C'est un homme de santé robuste puisqu'il n'est tombé malade que trois fois dans sa vie.
Il arrangeait sa chevelure en étages.
Il se maria trois fois mais n'aima que Poppée la seconde épouse ; il eut plusieurs maîtresses. Il était à l'évidence un jouisseur mais des légendes circulent sur cet aspect de sa personnalité : par exemple les prétendues relations incestueuses avec sa mère. Parmi ses concubines, Acté, une affranchie se détache parce qu'il eut pour elle une sincère affection.
I l aimait les jeunes garçons ; viola un jour un jeune homme ; épousa un jeune eunuque du nom de Sporus. Ce Sporus préféra après la mort de l'empereur le suivre dans l'au-delà.
On a prêté à Néron d'autres perversions : rites autour des organes génitaux d'homme et de femmes par exemple.
"le cou de la colombe brille à chaque mouvement"
Il ne fut pas un grand orateur. Il faisait appel à ses conseillers pour la rédaction de ses discours politiques. Il se considérait comme un citharède, un poète, dont la production a été de médiocre qualité. Il écrivit notamment un long poème sur la guerre de Troie : Troica. Nous ne conservons de Néron qu'un seul vers mentionné par Sénèque : " le cou de la colombe brille à chaque mouvement ". Il aimait aussi jouer de la lyre, chanter et réciter. Il monta sur des scènes ; pour la première fois en 64 à Naples. Au moment de se suicider, il aurait dit : " quel artiste va périr avec moi ".
"Il n'est absolument pas une seule catégorie de parents que ses crimes aient épargné" Suétone
Il se donna comme objectif pour guérir sa paranoïa- de tuer les membres de sa propre famille à commencer par le fils de Claude, Britannicus qui fut empoisonné. Britannicus fut enseveli en hâte sous une pluie battante.
Néron fit exécuter son ancienne femme Octavie. Il fit assassiner Sulla, accusé d'avoir comploté contre lui. Enfin, il n'épargna pas son propre maître Sénèque en 65. Le plus extraordinaire fut l'exécution de sa mère Agrippine à qui Néron reprochait de l'empêcher d'accomplir sa carrière artistique. Elle fut tuée en mars 59. Néron fit piéger sa barque et comme cela ne suffisait pas, envoya des marins l'achever à coups de bâtons. Agrippine aurait désigné son ventre : " Frappe ici " comme pour accuser son fils. La version officielle relatée au Sénat maquillait le meurtre en suicide. Il semble que Néron eut plus tard quelques remords.

L'idéal du basileus

En matière politique, Néron poursuivit l'entreprise de Claude visant à faire de la monarchie un absolutisme. Claude était un grand bâtisseur : il agrandit les ports, fit ouvrir de nouvelles routes, créa des basiliques, des entrepôts, des aqueducs ; élargit l'enceinte sacrée. Il exerça son pouvoir de censeur, accorda la citoyenneté romaine aux provinciaux et facilita leur accès au Sénat. En 43, il fit la conquête de la Bretagne et annexa la Thrace, la Lycie et la Judée. Bègue, boiteux ; il était timide et aimait la bonne chère. Il pouvait le cas échéant se montrer cruel. Il eut pour épouse Messaline puis Agrippine. Il fit tuer la première qui le trompait. Agrippine et Sénèque arrangèrent les fiançailles du futur Néron avec Octavie. C'est elle qui convainc Claude d'adopter Lucius (Néron). Le 4 mars 51, Néron endossa la toge virile ; l'empereur le chargea très vite de superviser l'administration de la capitale. Néron devint ensuite empereur contre son rival Britannicus à la mort suspecte de Claude. Néron était alors âgé de 17 ans. Néron qui cherchait à imiter le basileus grec fut divinisé comme son épouse. Il est associé à Jupiter et aussi comparé à un Apollon mais il se présentait avant tout comme un soleil, rayonnant au-dessus du monde romain et hellénistique. Néron aspirait à être comparé à un Hercule. Il porta le titre de " dieu parfait ". Néron s'efforça d'entretenir de bons rapports avec le Sénat et il entreprit d'éloigner sa mère du pouvoir. Sénèque resta longtemps aux côtés de Néron pour inspirer sa politique. Sénèque avait découvert l'Égypte à l'occasion d'un voyage motivé par la maladie. Il se fit expliquer le symbolisme des hiéroglyphes et des mythes anciens. C'est dans ce pays qu'il puisa sa doctrine stoïcienne. Sénèque défendait aussi l'absolutisme, la figure d'un monarque omnipotent.

Le néronisme

Néron

L'Orient dont l'Égypte était le phare pour Néron. Néron était un personnage fantasque : il organisait lui-même des combats de gladiateurs mais il préférait les compétitions athlétiques et artistiques. Il fit par exemple aménager dans les jardins du Vatican en 59 un stade pour les courses de chevaux. Il guidait lui-même les attelages avec pour seuls spectateurs, ses invités.
Le culte de sa personne fut minutieusement organisé comme en témoigne le fait qu'il déposa sa barbe coupée dans un coffret, aux pieds de Jupiter.
En 60, consul pour la quatrième fois, Néron donna des jeux pour fêter l'anniversaire de son avènement : ce furent les Neronia (concours musical, gymnique et hippique).
Néron se fit construire un somptueux palais impérial après l'incendie de Rome : la maison dorée. La salle principale était dotée d'un dôme qui pouvait tourner. La construction de ce palais coûta un prix très important. Il fut agrémenté d'oeuvres prises en Grèce pour l'essentiel.
Parmi les importantes réformes entreprises par Néron, nous pouvons citer la réforme fiscale visant à baisser les impôts indirects pour augmenter les impôts directs. Le Sénat la repoussa.
A partir de 61, le régime se durcit avec par exemple une modification du mode de recrutement des consuls et la volonté d'empêcher le Sénat d'agir c'est-à-dire de nuire à la puissance du prince. En 67, Néron fit liquider les principaux commandants de l'Empire. Dégoutté par la cruauté de son disciple, Sénèque s'éloigna peu à peu de Néron pour finalement prendre sa retraite après l'incendie de Rome en 64.
Néron accomplit un de ses rêves en 66 en partant pour la Grèce où il donna des représentations. Il prit lors de son périple la décision de percer le canal de Corinthe (" muni d'une bêche en or, c'est l'empereur lui-même qui donne le départ des travaux, sous les sonneries des trompettes "). On embaucha des ingénieurs égyptiens pour faire le travail ainsi que 6 000 juifs, prisonniers de guerre. Les travaux furent finalement interrompus en 68. Le projet ne fut repris qu'au XIXième siècle. Chemin faisant, Néron accorda un nouveau statut à la Grèce. Athènes et Sparte obtinrent l'immunité fiscale. Vespasien reviendra sur les avantages accordés . Néron dut retourner plus vite qu'il ne le souhaitait à Rome devant la révolte des juifs en Orient et le mécontentement grandissant des aristocrates. Il fit organiser son retour triomphal.

Autour de l'empereur

La cour de Néron se composait de nombreux affranchis et d'esclaves. Elle comptait aussi des femmes : la première ayant été Octavie, épousée à 12 ans, fille de Claude ; Néron ne l'aimera jamais. Le couple finira par divorcer et Néron la fit finalement tuer alors qu'elle avait 21 ans. Ensuite vint Poppée qui était d'une grande beauté (elle se baignait dans le lait de cinq cent ânesses). Elle était passionnée d'astrologie et fascinée par le culte de la déesse Isis. Elle mit au monde une fille qui mourut à l'âge de quatre mois. Elle mourut en couche du second en 64. Certaines mauvaises langues attribuèrent ce décès à un mauvais coup de pied de Néron visant le ventre de sa femme lors d'un accès de mauvaise humeur. En 65, Néron envisagea de se remarier avec la seconde fille de Claude laquelle refusa ; Néron la fit elle aussi tuer. Néron fit aussi liquider Marcus Atticus Vestinus pour lui ravir son épouse Messalina.
Pour acclamer l'empereur, il existait des groupes tels les Augustians, des éphèbes ; les " néroniens ", de robustes plébéiens recrutés eux aussi pour applaudir l'empereur. Les officiers prétoriens étaient attachés à la sécurité de l'empereur mais c'est eux qui provoqueront en dernier lieu sa chute. Un conseil du prince expédiait certaines affaires : délibérait des affaires judiciaires, des mesures législatives à adopter, du destin du trône et des problèmes que pouvait poser la succession de l'empire.

"Je te haïssais"

Les inimitiés solides engendrées par la sévérité de la politique intérieure de Néron conduisirent inévitablement à des complots dont celui fomenté pour porter sur le trône un certain Pison avec l'aide de la garde prétorienne et finalement tuer l'empereur. En avril 65, le complot fut déjoué. Un des principaux acteurs justifia son attitude par ses mots qui s'adressait directement à l'empereur dont il était jadis l'ami : " j'ai commencé à te haïr du jour où tu es devenu le meurtrier de ta mère et de ta femme, cocher, histrion et incendiaire ".
L'année suivante, en 66, une autre conjuration tenta de mettre au pouvoir Gnaeus Domitius Corbulon, modèle du chef militaire et qui pouvait se targuer d'avoir le soutien de l'armée d'Orient. De nouveau Néron déjoua les plans de Corbulon et lui intima de se suicider. Le général s'exécuta après s'être exclamé " Axios ! " ce qui signifie " je l'ai bien mérité ".

La société romaine

Rome était alors une très grande de ville dont la population approchait un million d'habitants. C'était une véritable mosaïque ethnique. La vie y était rude pour ceux qui n'avaient pas de privilèges et les agitations n'étaient pas rares : émeutes et pillages de magasins. Les problèmes urbains ajoutaient à la situation difficile : maisons délabrées, incendies, inondations du Tibre
La plèbe était dans l'ensemble favorable à Néron. Elle se composait essentiellement d'artisans libres et de travailleurs sans qualification. La plèbe rurale disposait en propriété d'un résidu de terres. Il faut ajouter à ce groupe la " famille " des esclaves affranchis. La moitié des artisans étaient d'ailleurs des affranchis.
Le règne de Néron a été dans l'ensemble favorable aux notables italiens et provinciaux dans la mesure où l'accès à la citoyenneté a été facilité. Alors que Chevaliers et riches affranchis se positionnaient en classe dirigeante, les sénateurs qui étaient aussi de grands propriétaires terriens sont sortis affaiblis par la stagnation de l'activité agricole et les confiscations de biens par décision de l'empereur.
Durant son règne, Néron intervint beaucoup plus souvent dans les affaires des communautés pour légiférer au sujet des droits de pêche ou de la délimitation des frontières.
Néron fut aussi un grand bâtisseur : il fit par exemple construire un palais s'étendant sur mille mètres dans la vallée qui sépare le Palatin de l'Esquilin ; un amphithéâtre en bois élevé en 56-57 pour les combats de gladiateurs, sur le champ de mars ; un gymnase, des thermes, le port artificiel d'Ostie.
Dans la nuit du 18 au 19 juillet 64 éclata le feu qui allait détruire Rome. Néron revint précipitamment dans la capitale ; ordonna de faire installer des bâtiments provisoires sur le Champ de mars et dans les jardins du Vatican et fit baisser le prix du blé.
Certains ont prétendu que Néron avait lui-même déclenché le feu pour rebâtir une ville selon son goût ou pour pouvoir contempler la ville en flammes afin de mieux comprendre l'incendie de Troie. A la suite de cet incendie, l'empereur prit des mesures pratiques : alignement des maisons, élargissement des rues, portiques pour protéger les maisons des flammes.

La politique extérieure

La politique extérieure de Néron fut partagée entre l'affirmation de la présence romaine et quelques modestes conquêtes. En Orient par exemple, le royaume du Pont en Asie Mineure fut annexé après déposition du roi. Un autre point culminant de la politique extérieure de Néron fut la visite de Tiridate, roi d'Arménie, en 66. Enfin, Néron fut très actif dans la région du Danube et le bassin de la mer Noire.

Religionum contemptor ?

Nous savons que Néron a encouragé le culte de sa personne. Indifférent à la religion traditionnelle romaine, l'empereur s'est surtout intéressé aux cultes orientaux comme celui de la Cybèle, la Grande mère asiatique et Attis. Tiridate fit ensuite connaître à son hôte le culte de Mithra mais Néron s'en lassa rapidement.
Son attitude à l'égard des autres religion fut varié : tolérance -grâce à l'entremise bienveillante de Poppée- pour les Juifs, persécution des Chrétiens après l'incendie de Rome auxquels Néron fait porter le chapeau.
Sous son règne, les arts et les sciences prirent un essor notable (peinture notamment pariétale et sciences humaines). Le stoïcisme était alors le courant dominant dans la pensée romaine.
Tacite comme Martial considéraient à juste titre- Néron comme un homme cultivé. C'est sous son règne que Pétrone rédige son Satyricon.

Renversé par des messages et des rumeurs

Au début du mois de juin 68, Néron fut renversé et contraint au suicide . Les membres de la Curie étaient en effet las de la violence endémique de cette fin de règne. L'inflation et la crise économique ajoutaient à la volonté de tourner la page. Devant l'imminence d'une crise, les attitudes équivoques furent légion : Vespasien par exemple qui se tint en retrait pour peser le pour et le contre ; ce fut aussi l'attitude des officiers et soldats. L'insurrection fut déclenchée par des milices, autrement dit des civils en uniforme. A sa tête, Vindex qui proposa Galda pour prendre le trône. Ce Galba avait alors 63 ans et gouvernait l'Espagne tarragonnaise. Lorsque l'empereur apprit le soulèvement de l'Espagne, il entra dans une rage folle : " déchira ses vêtements et se frappa la tête contre les murs, gémissant sur ses malheurs ". Il réunit des fonds pour former une armée de secours ; songea devant son incapacité à retourner en sa faveur la situation- à partir pour l'Égypte ; finit par se réfugier dans une villa de Phaon d'où il put entendre les prétoriens proclamer Galba son successeur. Alors qu'un détachement de Prétoriens arriva pour l'arrêter, il préféra se suicider.
Le prince eut droit cependant à de grandioses funérailles. Ses nourrices brûlèrent son corps et placèrent ses cendre dans la tombe des Domitii.
Galba ne resta au pouvoir qu'une année ; vinrent ensuite Othon, Vitellus et Vespasien (59-70). Galba eut juste le temps d'imposer le principe d'une monarchie élective. Avec la fin de Néron s'éteignait la lignée des julio-claudiens.

d'après Eugen Cizek, Néron, Fayard


URL d'origine : historama.free.fr



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