Les premières compétitions dans le monde grec : les Jeux sacrés

1 - Les premières compétitions dans le monde grec : les Jeux sacrés

Les Crétois pratiquaient les Jeux athlétiques, comme en témoignent de nombreux bas-reliefs. Mais c'est sur le continent, en Grèce, que la confrontation physique s'institue et que des compétitions périodiques sont fondées : tous les ans, les Grecs de toutes les cités se rassembleront dans des sites grandioses à vocation religieuse et sportive pour se mesurer pacifiquement.

1.1 - L'origine crétoise des Jeux athlétiques

Le combat à vocation sportive (athlôn) a pris naissance dans le monde méditerranéen vers le XVième siècle avant J.-C.. Dès cette époque, les Crétois prennent plaisir à pratiquer la course à pied, le pancrace, le combat contre les taureaux. La légende veut que, lorsque la Crète fut ravagée par des invasions successives, les prêtres (les curules) au service du culte de Rhéa et de Kronos aient débarqué sur les côtes du Péloponnèse, apportant avec eux sur le continent les traditions des Jeux qui allaient s'y perpétuer.

Après plusieurs siècles, Homère renouvela avec cette tradition dans ses épopées.

Les Jeux et les rituels funèbres

La signification profonde revêtue par la compétition chez les Grecs était placée sous la triple dimension de la mort, de la guerre et du sacré, trois aspects très étroitement imbriqués. Quel rapport avaient les joutes sportives avec la mort ?
Les épopées homériques décrivent des Jeux funèbres, célébrés en l'honneur d'un héros mort au combat. Sur le plan historique, ces Jeux permettaient sans doute de partager entre les vainqueurs les biens du défunt. Mais le symbole même de ces rites est riche et dépasse le contexte immédiat de la guerre de Troie.

On retiendra l'interprétation de René Girard (La violence et le sacré). Il conçoit ces Jeux comme une forme d'exorcisme ou de libération des pulsions meurtrières de la communauté. La mort jouée est une mort symbolique qui purifie en quelque sorte la communauté de la mort réelle qui pèse sur elle : cette expurgation a besoin de l'immolation d'un bouc émissaire :

Ainsi, par le jeu du symbole, et notamment par le combat pacifique des compétitions, l'homme a appris à maîtriser ses angoisses.

Les Jeux d'Ulysse

Autant qu'on puisse, par les légendes et les poèmes homériques, saisir d'aussi lointaines pratiques, il semble qu'à l'époque de la guerre de Troie (1250 avant J.-C.), l'apprentissage sportif était indissociable de la formation du guerrier. Après avoir été élevés au gynécée (appartement des femmes) par leur mère, les garçons parvenus à la puberté sont formés au bord des rivages ou dans les montagnes. Ils sont alors pliés à toutes sortes de disciplines : combats singulier, luttes contre des bêtes, traversée d'une rivière profonde, conduite d'un char, tir à l'arc...
Dans le monde mycénien, le développement de l'individualisme sur le plan militaire a entraîné la guerre, née de la chasse et du jeu. On doit aux soldats la création de Jeux funèbres où se déroulent à l'origine des compétitions sportives et des concours hippiques. La guerre d'ailleurs se termine par une lutte ludique.

Ainsi les guerriers de l'Iliade et de l'Odyssée organisent à plusieurs reprises des compétitions. Notons que ces compétitions improvisées ne nécessitaient aucune infrastructure : elles se déroulaient en plein air, parfois au sein d'un environnement hostile. Au chant XXIII de l'Iliade, sont décrits les Jeux organisés à l'occasion des funérailles de Patrocle. Le programme comporte des courses de char, des pugilats, du pancrace, de la course à pied, de l'escrime, du tir à l'arc. Tous les compagnons d'Achille rivalisent d'adresse mais aussi de droiture et de sportivité car jamais la loyauté et la grandeur d'âme ne sont absentes de ces épreuves. C'est également par une épreuve sportive, le tir à l'arc, qu'Ulysse parvient à vaincre les prétendants de Pénélope, son épouse.

Ce type de joutes se perpétueront jusqu'à la fin des temps homériques (VIIIième siècle) dans les grandes familles royales. Mais ces épreuves ne sont que la survivance de vieilles traditions où les Jeux funèbres représentaient de véritables luttes successorales au cours desquelles les concurrents se disputaient les honneurs, les femmes et les biens du défunt.

1.2 - L'instauration des Jeux olympiques et de la trêve sacrée

Une rapide évocation des origines des Jeux relève de la gageure. En effet les traditions sont aussi nombreuses que les cités et les auteurs ont contribué à entretenir cette complexité : c'est le cas par exemple du poète Pindare (mort en 438 av. J.-C.) et de l'écrivain Pausanias (IIième siècle après J.-C.). Nous retiendrons parmi ces traditions mythologiques celle de Pélops.

On sait par la mythologie, que Pélops, fils de Tantale, avait instauré des Jeux en Élide. La légende raconte qu'il épousa Hippodamie après avoir vaincu son père, Oenomaos, dans une course de char. Pélops régna sur l'Élide et célébra des Jeux à Olympie pour remercier les dieux et pour se purifier du meurtre de son beau-père. Hippodamie créa les Jeux héréens dédiés à la déesse Héra, et réservés aux femmes.

C'est au VIIIième siècle avant J.-C. que les Jeux entrent dans l'Histoire encore teintée de légende. La peste a ravagé le Péloponnèse : le roi d'Élide, Iphitos, a dû se résoudre à consulter la Pythie, l'oracle de Delphes, pour lui demander comment débarrasser son pays de la catastrophe qui l'accable. La Pythie lui répond que les dieux interviendront s'il rétablit les Jeux olympiques (Première olympiade : 776 avant J.-C.) : ce qui laisse supposer que les Jeux existaient déjà sous une forme incertaine.
Cette aventure scellée par une trêve sacrée conclue entre l'Élide et la redoutable Sparte, dura près de dix siècles et constitue le premier patrimoine sportif de l'humanité. Olympie demeura donc inviolable durant les Jeux sacrés. Élis reçut la direction des Jeux olympiques et tous les quatre ans la trêve (ekecheiria) était respectée.

La paix olympique ne fut violée qu'à deux reprises en 1000 ans. Le reste du temps rien ne détourna les Grecs de leurs Jeux.

Compétitions et violence guerrière

Contrairement aux combats guerriers, la violence et la rivalité apparaissent dans le sport sous la forme de jeux, concours, compétitions plus ou moins ritualisés. Les cérémonies préliminaires à caractère religieux sont considérées comme des sacrifices aux dieux, des mises à mort symboliques. Mais on retrouve dans les concours sportifs les mêmes règles de violence que dans les combats réels. Le sport est bien une transposition des mécanismes de l'affrontement armé.

En témoigne le succès des sports de combat, tels la lutte, le pugilat et le pancrace : leur violence -- surtout pour les deux derniers -- plaisaient au caractère belliqueux des Grecs et cet affrontement au corps à corps présentait un lien évident avec la préparation militaire.

1.3 - Les autres Jeux panhelléniques

Si les Jeux olympiques sont les compétitions antiques les plus connues, ils ne furent pas les seuls. Existaient un grand nombre de compétitions dont les plus connues et les plus fréquentées étaient les Jeux pythiques, les Jeux isthmiques et les Jeux néméens, compétitions panhelléniques ouvertes à tous les Grecs.

L'origine de ces quatre principaux concours était funéraire, des Jeux ayant à l'origine célébré la mort d'un héros. Les récompenses étaient toujours modestes : le vainqueur reçoit à Delphes une couronne de laurier ou de palmier et quelques pommes, à l'Isthme une couronne de branche de pin, à Némée une couronne de céleri et à Olympie une couronne d'olivier.

Ces Jeux ne se conçoivent, on l'a vu, que dans un monde en paix, les pèlerins, les athlètes, ne pouvant traverser pour accéder aux lieux sacrés des cités en guerre. Les théores chargés d'annoncer les Jeux partent six mois à l'avance. Les athlètes disposent de six mois pour retourner dans leur pays en toute tranquillité.

Les sanctuaires de Némée et de l'Isthme ne furent jamais aussi riches que ceux d'Olympie et de Delphes, peut-être parce que les Grecs ne voulaient pas accroître la puissance de Corinthe et d'Argos qui les géraient, ne redoutant rien par ailleurs de Delphes et d'Élis.


URL d'origine : Historama.free.fr


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