Fraîchement maquillée pour le bal. Qui ne rêve de l'exceptionnelle pharaonne Hatchepsout, première déesse royale qui régna en l'an 1500 avant J.-C. sur le trône de la Basse et Haute égypte et dont le nom à l'incroyable séduction musicale fait accourir des foules au Sanctuaire de Deir el-Bahari, le couvent du Nord. On la connaît surtout pour sa Barbiche, mais qui est la femme derrière le visage de calcaire, la crinière de lion et La barbe postiche de Sphinx, les yeux à l'affût, s'apprêtant à bondir dans la nuit des temps.
La légende de la naissance divine d'Hatchepsout, dont le nom signifie «suprême noblesse féminine», relatée dans des fragments du temple d'Aménophis III à Louxor, est ahurissante. Lors d'un Concile des neuf dieux, Amon-Rê, Seigneur des trônes des Deux Terres, déclare son intention d'engendrer le prochain monarque. Il doit d'abord séduire la première femme du pharaon. «La reine Ahmès, écrit Thot, divin Scribe et maître du savoir, est d'une beauté à nulle autre pareille; c'est la femme de Thoutmès I, roi de la Haute et Basse Égypte.»
Thot conduit Amon-Rê auprès de la reine Ahmès. Amon-Rê, empruntant Les traits du mari, pénètre aisément dans la chambre de la reine. Fasciné par la Beauté troublante de la reine dans son sommeil, Amon-Rê se glisse sous les couvertes royales. Le divin parfum d'Amon-Rê réveille la reine. Fier comme un cobra, Amon-Rê Lui révèle son identité. Entre deux étreintes, elle lui dit: «Seigneur, comme votre renommée est grande et comme il est merveilleux de voir votre magnificence! Vous avez Allié ma majesté à votre gloire, et votre souffle se répand en tout mon corps». La reine, émerveillée des charmes de son divin amant, accueille ses ardeurs.
Il lui déclare qu'elle enfantera de lui. «Hatchepsout, tel sera le nom de la fille que j'ai placée en ton corps. Elle régnera sur l'Égypte entière, et Je lui donnerai ma gloire, mon autorité, ma couronne et ma divine protection».
Quittant La reine Amhès encore extasiée, Amon-Rê se rend chez Khnoum, dieu chargé de modeler Les corps humains, et lui dit: «Va assurer la création de cette future reine d'Égypte. Façonne son corps et son esprit d'éléments empruntés aux miens. Qu'elle Soit supérieure même aux dieux, car je lui ai donné toute la santé, la richesse, la force et la félicité nécessaires pour qu'elle vive à jamais comme le dieu Rê». Khnoum S'attelle à la tâche.
Il s'assoit à sa table de potier et façonne avec sa tour deux petites figures, Hatchepsout et son esprit. Pendant que la déesse Héket, divinité à tête de grenouille, s'agenouille devant ces figures et leur transmet la vie, Khnoum psalmodie Ses incantations: «Je te crée avec des éléments empruntés à Amon, le premier dieu de karnak...»
À l'approche de la naissance, les dieux interviennent à nouveau par khnoum, dieu à tête de bélier. Amon-Rê dirige la procession vers la chambre d'accouchement. La reine Ahmès, étendue sur un grand lit à pattes de lions, est confiée à Meskhénet, déesse de la naissance. Toutes les divinités de la maternité et de la naissance sont présentes: Isis, Nephthys, Reddjédet, Bès, nain grotesque Affublé d'une peau de lion, Touéris, déesse à la tête d'hippopotame, etc.
Ainsi s'accomplit la spectaculaire naissance de la divine hatchepsout. On lui confère toute la santé, la richesse, la force et le bonheur. La déesse Hathor la présente à son père Amon-Rê. L'enfant royal est entourée de toutes Les sollicitudes. Elle est allaitée par deux déesses à tête de vaches, que l'on voit Sur les bas-reliefs du temple mortuaire de Deir el-Bahari.
À la mort de Thoutmès i, se conformant aux traditions de la succession royale, Hatchepsout épouse son demi-frère, Thoutmès II, peu talentueux, et prend les rênes du pouvoir à titre de régente. Très tôt, elle assume tous les pouvoirs et est sacrée pharaon à Karnak, le jeune Thoutmès se contentant du rôle de prince consort. Supérieure en tous points à ses prédécesseurs, tant en intelligence, perspicacité, volonté que culture, fougue et dynamisme, Hatchepsout a La trempe d'une Élisabeth I d'Angleterre ou d'une Catherine de Russie.
Après la mort prématurée de Thoutmès II, Hatchepsout épouse son énergique et ambitieux neveu, Thoutmès III. Elle gouverne encore seule, s'entourant d'hommes puissants, dont l'intendant et architecte Senmout, à qui elle confie l'éducation de sa fille Neferure. Elle déploie une politique résolument pacifique et préside au colossal développement matériel de l'Égypte, étendant son royaume des cataractes supérieures du Nil en Nubie Jusqu'à l'Euphrate en Asie. Elle procède à la réparation des saccages causés par les hyksos: «J'ai reconstruit ce qui avait été détruit et parfait ce qui était incomplet».
Elle entreprend une seule action militaire étrangère, à caractère commercial surtout: l'expédition marine de Pount, «pays de dieu» et de cocagne, à L'intérieur de la Mer Rouge, près de l'Éthiopie actuelle, renommé pour la splendeur de ses parfums et huiles de sycomore, de son ébène et bois aromatiques, de son or et ivoire, de ses fourrures, plantes et animaux.
En bonne pharaonne, Hatchepsout élève des monuments partout en égypte, y compris Thèbes, «la ville aux cent portes» incrustées d'or. Elle érige deux Obélisques, «doigts des dieux» dont l'un est encore dressé, les vestiges de l'autre portant l'altière inscription: «Tous les pays étrangers me sont soumis. Ma frontière Sud atteint la région du Pount, celle de l'est les marais d'Asie. Les habitants du Sinaï sont sous ma domination. À l'ouest, mon Royaume s'étend jusqu'au Manu. Je domine la Libye. Je règne sur les Bédoins, les habitants du désert. On m'apporte la myrrhe du Pount...».
Elle édifie le célèbre Temple à trois terrasses de Deir el-Bahari, qu'elle fait tailler en partie dans le roc d'une montagne, remarquable mausolée funéraire à la gloire éternelle de La pharaonne Hatchepsout de la 18e dynastie.
Le règne incontesté de la sublime Dame du Nil dure une trentaine d'années. Meurt-elle sur le trône ou est-elle évincée par Thoutmès à la suite d'une révolution de palais? Nul ne le sait. Son successeur, Thoutmès III, pharaon au panache d'un Alexandre le Grand, s'empresse, comme beaucoup de pharaons, de rogner la mémoire de son prédécesseur Hatchepsout. Il n'y réussit pas totalement. Le sarcophage est vide mais elle garde ses griffes.
Selon les rites et croyances de la religion funéraire royale, un pharaon ne meurt jamais, il «s'envole». Hatchepsout, elle, bondit dans le ciel Lunaire.
André Phaneuf
© Nuit sans lune
Montréal, mai 1997
Un chouette merci à Marie-Andrée Paquet
URL d'origine : http://www.microtec.net/aphane/hatchep.htmAccès au Site Principal | ![]() | Tweeter | Hit-Parade![]() |
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