La momifation égyptienne

Evolutions de la Momification


A - Evolution chronologique

Au début, au commencement du IIIe millénaire av. J.-C., les bras, les jambes, et le corps furent simplement emmaillotés dans les bandelettes de lin. Plus tard, on peignit un visage sur le tissu et l'on modela certaines parties du corps comme les seins ou les organes génitaux. On posait ensuite sur le mort un vêtement destiné à lui donner une apparence aussi réelle que possible. Dès la VIe dynastie, l'éviscération abdominale commence progressivement à être appliquée. Un procédé de surmoulag au plâtre a été observé à guizeh pendant toute le VIe dynastie. Les linges sont enduits de plâtre et travaillés autour du corps pour bien en reproduire les contours.

Les Egyptiens ont rapidement compris que la décomposition du corps commençait par les viscères ; ils décidèrent donc de les extraire en pratiquant une incision dans la paroi abdominale. Cependant, soucieux de conserver l'intégrité du mort, ils ne les jetaient pas mais les enveloppaient individuellement dans du lin et les ensevelissaient dans la tombe. Au début, ces paquets furent probablement déposés dans un endroit particulier de la sépulture ; ce n'est que plus tard que l'on se mit à les conserver dans les vases dits canopes, toujours au nombre de quatre, un pour chaque organe.

La pratique consistant à extraire le cerveau du défunt apparaît occasionnellement dès le Moyen Empire, et elle devient la règle au Nouvel Empire. Cependant, le cerveau n'est pas conservé dans des canopes. Ce n'est pas un organe.

Au Moyen Empire, la technique s'améliore avec l'utilisation du natron. Cependant, les techniques d'embaumement n'étaient pas encore tout à fait au point, et les corps de cette époque nous sont rarement parvenus intacts, en particulier les muscles et la peau se sont mal conservés. Dans les musées du monde, il n'existe qu'une douzaine de momies de cette époque, qui se caractérisent par l'énorme quantité de linges utilisés pour l'emmaillotement (375 m² dans un cas particulier). Cette profusion de tissu donne souvent à la momie l'apparence d'une saucisse.

Le summum de l'art de la momification est atteint au Nouvel Empire. Le procédé est alors celui décrit dans la partie II de ce document.

Au cours de la XXIe dynastie apparaît une façon totalement nouvelle de traiter les viscères. Désormais, les embaumeurs posent les organes sur un tissu en lin, placent dessus une figurine en cire du dieu habilité à les protéger et roulent le tout pour en faire un paquet. Après momification du corps, ils remettent ces paquets en place dans la cavité abdominale. Durant la XXVe dynastie, en revanche, les canopes reviennent à la mode, mais on continuera en parallèle à les rouler et les placer dans le corps jusqu'à l'époque des Ptolémées.

Une anecdote originale apparaît dans les textes d'Hérodote :

Lorsque les femmes des hommes illustres meurent, on ne les donne pas immédiatement à embaumer, non plus que celles qui ont été belles ou considérées, mais après le troisième ou quatrième jour on les livre aux embaumeurs. On prend cette précaution de peur que ceux-ci ne s'unissent à ces femmes, car l'un d'eux dit-on, a été surpris souillant le corps d'une femme décédée, et son compagnon en a porté l'accusation contre lui.
Hérodote, HISTOIRES, II, 86

Cette histoire nous montre que l'évolution d'une filière technique peut avoir des causes multiples et variées : amélioration de procédé, comme découverte de malversation.

Durant la période tardive, on voit l'arrivée d'un nouvel ingrédient : la mumie. C'est d'ailleurs de cette substance que vient le nom de momie. Il vient en effet de l'arabe mûmiyâ, signifiant bitume. Cette substance aidait à obtenir une certaine étanchéité du corps.

Les pratiques funéraires changent sous les Ptolémées, rois qui suivirent Alexandre Le Grand en Egypte. On observe alors un mouvement de démocratisation. Certains rites d'inhumation, réservés jusqu'ici aux membres de la famille royale, s'étendent progressivement au reste de la population. On remarque également l'apport des grecs et romains dans leur apport de maquillage. En effet, les femmes ont maintenant un visage maquillé à la mode romaine.

B - Les canopes

Cette appellation de canope vient d'Athanasius Kircher (1602-1680), qui, ayant interprété la figure d'Osiris apparaissant sur certaines cruches comme une représentation de Canopos (pilote de Ménélas), appliqua ce nom aux urnes utilisées pour recueillir les organes.

Les exemples les plus anciens que l'on connaisse de canopes datent des sépultures de la mère de Khéops.




On ne retrouve ces vases de calcaire, d'albâtre ou de terre cuite, dans les tombes des particuliers que plus tard. C'est une erreur de penser qu'à partir de l'Ancien Empire, les viscères ont toujours été enlevées du corps et soigneusement enveloppées. Avec le recul du temps, il est difficile de dire avec exactitude ce que l'on extrayait des momies, très mal conservées. De l'Ancien Empire jusqu'au Moyen Empire, les corps ont souvent gardé une partie des organes. En outre, quand ils étaient extraits, les viscères n'étaient pas toujours placés dans des canopes, dont la contenance était souvent insuffisante. Selon les croyances religieuses en cours, ils suffisait de les placer dans la tombe à côté du corps pour qu'ils assurent une protection magique. Jusqu'à ce jour, aucun reste d'organe n'a été trouvé dans des vases canopes des tombes de simples particuliers de l'Ancien Empire.

C'est au début du Moyen Empire qu'apparaissent les premiers vases canopes à figure humaine, parfois complétés par de petits bras et de petites jambes. Souvent ces vases contenaient des paquets d'organes, remplacés dans le corps du défunt par de la sciure de bois ou des tampons de lin.

A partir du Moyen Empire, les organes sont placés sous la protection des quatre fils d'Horus : Amset, Hapi, Douamoutef et Qebehsenouf. Les couvercles mêmes des vases canopes prennent une forme de tête humaine au début du Nouvel Empire ; plus tard, ils adoptent les traits des quatre fils d'Horus.




Amset à tête humaine garde le foie, Hapi le babouin est responsables des poumons, Qebehsenouf le faucon veille sur les intestins, et Douamoutef le chacal protège l'estomac.

Entre la XXVe et la XXXe dynastie, c'est à dire jusqu'à la conquête de l'Egypte par Alexandre Le Grand, les canopes en albâtre sont très répandues. Les organes contenus dans ces vases sont souvent entièrement immergés dans des huiles d'embaumement résineuses, les mêmes utilisées pour embaumer les corps.

A partir de cette époque, on voit apparaître d'autres types de canopes, et en particulier des coffrets en bois ou en céramique dans lesquels les quatre organes sont placés ensemble.

La pratique qui consiste à placer dans la tombe, à côté de la momie, des vases canopes contenant les viscères du défunt ne disparaîtra qu'à l'époque romaine.

C - Les momies animales

Les voyageurs grecs et romains ont constaté avec beaucoup d'étonnement que les Egyptiens adoraient des animaux sacrés. Parfois parés de bijoux, ils avaient droit à leur mort à de véritables funérailles. A partir de la Basse époque, cette vénération s'étend à tous les animaux, pas seulement à ceux sensés représenter un dieu. Les Egyptiens embaumaient ainsi :

  • des crocodiles, symboles du dieu Sobek,
  • des chats, symboles de la déesse Bastet,
  • des ibis, symboles du dieu Thot, dieu de la vérité et des scribes,
  • des faucons, symboles d'Horus,
  • des scarabées, symboles de Rê,
  • des chiens, symboles d'Anubis,
  • des taureaux, symboles d'Apis;

La fin de l'époque pharaonique se caractérise par une popularisation grandissante de ce culte.

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