La Lycie devient progressivement chrétienne

La Lycie devient progressivement chrétienne

La Lycie à l'époque byzantine

par Jean-Pierre Sodini

La Lycie devint chrétienne progressivement. En 311-312, une inscription d'Arycanda, protestant contre les troubles causés par les chrétiens, montre peut-être que le paganisme est alors majoritaire. Certaines élites lyciennes sont encore païennes vers la fin du IVe s. comme le célèbre Tatianos, préfet du prétoire d'orient sous Théodose Ier de 388 à 392, date à laquelle son fils est exécuté et lui-même renvoyé en Lycie (il était originaire de Sidyma). Plus tard encore, au VIe s., nous voyons l'abbé du couvent de la Sainte-Sion, un autre saint Nicolas, dans les montagnes au nord de Myra (sans doute le site de Karabel), parcourir les villages, abattre les arbres sacrés et convertir les paysans. Mais en même temps les églises et les couvents s'élèvent en grand nombre dans les villes (Tlos, Pinara, Sidyma, Patara, Xanthos, Myra, Limyra, Andriakè, Phaselis), dans les îles (Makri, Karacaören, Gemile, plus anciennement Saint Nicolas, Megiste, actuellement Catellorizo, Kekova, dans l'antiquité Dolichiste) et dans les villages de montagne.
La densité de l'habitat côtier laisse peu de doutes sur l'importance de la population et la prospérité de toute cette région. En plus du cabotage, intense, la Lycie, réputée pour son bois de charpente, était avec Rhodes le carrefour de routes maritimes menant vers l'Egypte, Constantinople, Chvpre et les côtes syro-palestiniennes. Elle était sur la route des convois annonaires venant d'Egypte et les greniers d'Andriakè et de Patara avaient été refaits au IVe s. A Xanthos, les maisons tardives de l'acropole lycienne, par leur surface et le luxe de leurs aménagements, sont très caractéristiques de cette richesse.

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Xanthos, Eglise avec galerie accolée au sud

Les édifices religieux

Les églises de Lycie, que les fouilles et les prospections révèlent en grand nombre. présentent des plans très divers (présence ou absence de transept et d'atrium, existence fréquente de grands portiques latéraux, d'annexes en triconque ou tétraconque), une sculpture locale en calcaire tendre tour à tour vigoureuse ou raffinée mais aussi une sculpture de marbre ou de calcaire dur, importée ou imitée de celle de la capitale, des pavements en mosaïque ou en marbre. Le grand complexe de Demre (Myra), érigé en l'honneur de saint Nicolas, qui aurait été évêque de cette cité à l'époque de Constantin, actuellement en cours de fouille, donne une bonne image de l'importance des pèlerinages dans cette région. Au Letôon, au VIe s., une petite église de 30m x 20m fut bâtie immédiatement à l'est du nymphée de l'époque d'Hadrien hors d'usage depuis longtemps. Sur son côté sud-est avait été construit un triconque dont la mosaïque avait reçu une inscription qui faisait mention d'un " diacre des anges ", probablement une allusion à la vocation funéraire de cet espace. Il y avait d'ailleurs des tombes dans les annexes.

Les forteresses

Après une période de prospérité qui s'étendit sur tout le VIe s. en dépit de la peste de 542 qui frappa à Myra, le VIIe s. vit le déclin de la Lycie comme de toutes les régions côtières d'Asie Mineure. Les Perses sassanides, qui s'étaient emparés de Rhodes étaient à même d'attaquer la Lycie. Les forces arabes qui remportèrent en 655 une grande victoire navale au large de la ville de Phoenix acquirent la maîtrise durable de ce secteur de la Méditerranée. Les forteresses apparurent alors sur des surfaces urbaines contractées à des dates rapprochées mais variables. A Xanthos, la muraille qui enjambe le théâtre pourrait dater du milieu du VIIe s. tant elle paraît proche des murs d'Ankara bâtis par Constant II (641-668). A Patara, Phaselis, Telmessos, Myra. Andriakè, on observe des contractions comparables qui semblent indiquer l'abandon des zones laissées hors des nouveaux murs. En dépit de l'insécurité l'église Saint-Nicolas de Myra attire encore les pèlerins et est rebâtie après sa destruction, peut-être suite à un raid arabe dans le courant du VIIIe s.

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Xanthos, Structure bizantine de l'angle sud-ouest de l'agora romaine

Le renouveau des Xe-XIe s.

Si la deuxième moitié du IXe s. manifeste de clairs signes de reprise en Lycie avec la construction de l'église de Dereagzi, il faut attendre la dynastie des Macédoniens et la reprise de la Crète par les forces byzantines en 961 pour voir l'activité relancée et les constructions ou reconstructions d'églises et de murailles s'accroître. En 1042, Constantin X et Zoé restaurent l'église de Saint-Nicolas à Demre, ajoutant des chapelles, refaisant les dallages en opus sectile et les peintures murales. C'est vers cette époque que des réfections sont faites dans l'île de Saint-Nicolas/Gemile, à Cydna et à Xanthos même dans la grande basilique orientale.
La défaite des armées byzantines à Mantzikert en 1071 entraîna une forte insécurité dont des aventuriers de Bari profitèrent pour s'emparer en 1087 des reliques de saint Nicolas à Demre mais ce n'est qu'après la défaite de Myriokephalon en 1176 que la situation se dégrada durablement. Dans le courant du XIIIe s., un incendie détruit les parties réoccupées de la basilique est de Xanthos, alors qu'elle était déjà entre les mains de squatters probablement seldjouks.

par Jean-Pierre Sodini


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Xanthos, tombe 37 (photo 1997, A-M Manière Lévèque)


Bibliographie

Foss. C., The Lician Coast in the Byzantine Age, Dumbarton Oaks Papers, 48 (1994), p1-52
Tsuji S. (éd.), The Survey of Early Byzantine Sites in Ölüdeniz Area (Lycia, Turkey), Osaka Univ., 1995.

Voir aussi : La Lycie, histoire antique tirée de "Dossiers de l'archéologie N°239 - Xanthos" de 1998 (ajout du 20/08/2010)

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