Crète

-2200 -1400

 

"L'île était assez éloignée des puissances continentales, comme l'Egypte, le royaume Hittite et la Grèce mycénienne, pour décourager de fréquentes attaques, mais pas assez pour dissuader un commerce soutenu.
Les palais minoens, qui représentent l'apogée de la culture crétoise de l'âge du bronze, furent le point culminant d'une longue période de développement social de l'île. L'âge du bronze, qui s'étend environ de 3000 à 1000 av. J-C., fut précédé de 3 000 ans pendant lesquels les habitants néolithiques de la Crète établirent l'agriculture et l'élevage. Les progrès agricoles du néolithique contribuèrent à constituer la base matérielle de la culture minoenne : une riche économie agricole de céréales, olives, vin et troupeaux. Après le néolithique, vint la période de l'âge du bronze prépalatial, ou primitif, qui se déroula de 3000 à 1930 av. J.-C. environ.

Entre 2200 et 1900 av. J.-C. environ, quelques centres prépalatiaux devinrent plus importants. L'un des aspects de ce rôle accru semble lié au fait que certaines communautés aient pris le contrôle de territoires plus vastes que ceux des autres. Chaque grand territoire, ou province, devait être dominé par une famille puissante qui avait bâti et occupait ce qui allait devenir un palais.

L'âge des palais s'étend de 1930 à 1450 av. J.-C. et se termine sur un épisode de destruction massive dont la nature reste sujette à débat. Pendant ces cinq siècles, des progrès ininterrompus furent réalisés dans la conception architecturale. Les spécialistes de la Crète minoenne distinguent souvent

une première période palatiale, ou période archaïque, (1930 à 1700 av. J.-C.)

une seconde période, ou période moderne, (1700 à 1450 av. J.-C.)

la conception du palais est à son apogée, vers 1450 av. J.-C.

les écrits de la culture minoenne de la Crète de l'âge du bronze (écriture connue sous le nom de Linéaire A) n'ont pas encore été déchiffrés

Quatre palais minoens ont déjà été découverts Chacun possédait une cour centrale avec, généralement, d'autres cours. Autour de la cour centrale se trouvaient des entrepôts, des lieux de production, des archives de tablettes gravées et des salles pour les activités rituelles ainsi que pour les fonctions officielles.

La société crétoise de l'âge du bronze était hiérarchisée mais pas cloisonnée. Sous l'autorité du palais, les groupes sociaux semblent avoir vécu en relative harmonie.
De plus, l'art retrouvé dans les palais reflète la vitalité et l'humanisme qui distinguaient la Crète de ses contemporains comme l'Egypte et l'Assyrie. L'origine de la tradition européenne d'humanisme et d'individualisme est généralement attribuée aux Grecs mais, en un sens, on peut considérer la culture minoenne comme le premier exemple d'une telle tradition typiquement européenne. En l'absence de documents écrits, certaines questions restent sans réponse, mais une étude des palais peut largement contribuer à comprendre les succès de la société minoenne.
Les sites des quatre palais connus ont une même caractéristique significative : ils sont situés sur ou près de la côte.
Cnossos, à cinq kilomètres du littoral nord, règne sur les vallées fertiles de la Crète du nord et du centre.
Au sud, Phaistos domine la Messara, seule grande plaine crétoise.
Malia, à l'est de Cnossos, sur la côte nord, incluait peut-être les monts Lasithi dans son territoire. Zakros, le site du quatrième palais, se trouve au sud-est de l'île.
Zakros est difficile d'accès par la terre.
"

"Bien qu'il ait été détruit comme les autres en 1450 av. J.-C., Cnossos fut par la suite occupé par les Grecs mycéniens.
L'occupant grec pourrait d'ailleurs avoir appris l'écriture de la main des Minoens : l'écriture mycénienne, translittération du grec connue sous le nom de Linéaire B, emploie en effet des symboles minoens.

La société minoenne entretenait de nombreux contacts avec le continent, surtout sous la forme de relations commerciales paisibles. Les ports étaient le point de contact avec le réseau commercial. Malia, au nord, était son propre port. Les villes d'Amnisos et de Kommos, sur le golfe, se trouvent respectivement assez près de Cnossos et de Phaistos, pour suggérer qu'elles étaient les ports de ces palais. A partir de ces ports, les produits minoens étaient acheminés jusqu'à Delphes sur le continent grec, Troie, Chypre, les côtes du Levant et l'Egypte. Plus près de la Crète, se trouvaient des régions avec lesquelles les relations économiques et sociales étaient beaucoup plus denses, notamment les Cyclades et le Péloponnèse au nord-est. Ainsi, dans la population de certains sites égéens vivaient des communautés de Crétois. Ces communautés émigrées ont contribué au développement naturel et à l'expansion économique et démographique de la Crète.
L'économie minoenne en expansion nécessitait également une variété considérable d'importations. L'île avait surtout besoin de métaux : cuivre, or, plomb, argent et étain. D'autres biens convoités étaient l'ivoire et les pierres précieuses qui étaient incrustées dans les vases et les sceaux. La principale question au sujet du commerce minoen est celle de son contrôle. En Egypte, à la même époque, le commerce était contrôlé par les gouvernants. En Mésopotamie et dans les cités du Levant, comme Ougarit, vivaient des marchands semi-indépendants. Le système minoen prenait-il plutôt exemple sur les Egyptiens ou sur les Mésopotamiens ?
En l'absence d'archives écrites, il est difficile de répondre avec certitude à cette question. On note pourtant que de nombreux articles importés, ivoire et pierres précieuses, ont été retrouvés dans des maisons, de même que des lingots de cuivre, bien que le plus grand trésor non palatial retrouvé à Hagia Triada soit une découverte ambiguë.
Il semblerait donc que la structure économique de la Mésopotamie corresponde mieux à la Crète minoenne. Ce modèle mésopotamien confère un contrôle global du commerce au palais mais laisse en même temps une liberté considérable à une classe de marchands semi-indépendants.

La société hiérarchisée mais paisible de ces groupes fut victime d'une destruction catastrophique vers 1450 av. J.-C. La cause directe de cette destruction fut le feu. En revanche, la raison de ce feu reste incertaine. Tensions internes ayant conduit à la rébellion ou à la guerre civile, invasion mycénienne et éruption volcanique ont toutes été envisagées.
On trouve peu de traces d'une révolte interne dans les vestiges crétois et il paraît improbable que des Mycéniens aient ravagé l'économie d'un pays qu'ils venaient occuper. La troisième des hypothèses reste la plus vraisemblable : un tremblement de terre et les effets entraînés par l'éruption cataclysmique d'un volcan sur l'île voisine de Théra (Santorin). On sait que le volcan entra en éruption à la fin de l'âge du bronze, mais les avis divergent quant à la date : vers 1500 ou 1450 av. J.-C. Un travail récent au Groenland sur les couches de glace contenant une certaine acidité, que l'on peut dater en fonction de leur profondeur, confirme la dernière date, tout comme les informations paléomagnétiques de Théra et de la Crète. L'ampleur de la destruction en Crète est comparable aux effets d'une énorme éruption volcanique. Il est très possible que le débat sur les raisons de cette catastrophe soit clos dans un futur proche."

La Crète de Peter M. Warren



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